Les duos d’écrivains sont assez rares pour qu’on s’y
intéresse. Les noms qui me viennent immédiatement à l’esprit sont les frères
Grimm, les frères Goncourt, Boileau et Narcejac, Souvestre et Allain, Franck et
Vautrin. Ensuite, il faut que je cherche. Sur Internet ou dans ma mémoire. À
partir de maintenant, je pourrai ajouter M.I.A. à ma short list.
Qui est M.I.A. ?
Un duo d’écrivains, donc ? Oui.
Qui vivent à des centaines de kilomètres l’un de
l’autre ? Oui.
Mais qui réussissent cependant à écrire
ensemble ? Oui.
Tout en se payant le luxe d’avoir figuré parmi les premiers
auteurs indépendants à devenir best-sellers, début 2012 ? Oui.
Mais qui ne se la jouent pas solo et qui publient des auteurs indé grâce à leur maison d'édition ? Oui.
Et quoi d’autre ? Ça, c’est ce qui est à
découvrir dans les lignes qui suivent.
DR |
Commençons
par lever un mystère : que signifie le sigle M.I.A. ? Puis un autre
mystère : qui se cache derrière M.I.A. ? Comment se passe l’écriture
à quatre mains pour deux auteurs qui vivent à plusieurs centaines de kilomètres
l’un de l’autre ? De quelle manière vous répartissez-vous les tâches ?
M.I.A. signifie « Missing in Action »,
terme utilisé principalement par l’armée américaine pour parler d’un soldat
porté disparu au combat.
Nous avons choisi ce nom car il nous semblait bien
correspondre à l’univers décrit dans Rémoras,
notre premier roman, et nous permettait de proposer quelque chose de court et
de percutant que les gens pourraient retenir facilement, même sans en connaître
le sens.
Derrière M.I.A., il y a Hélène et Sébastien, deux
amis/associés, qui travaillent ensemble sur de nombreux projets professionnels en
plus de l’écriture.
Notre travail s’articule autour de plusieurs
activités, au sein desquelles M.I.A. représente environ un quart de ce temps total
en commun.
Nous profitons bien sûr de tous les outils
collaboratifs à notre disposition, avec une utilisation massive du mail et de Skype,
où se déroulent toutes nos séances de travail, et de Dropbox pour échanger les
fichiers.
Le travail d’écriture de M.I.A. peut être résumé
grossièrement selon le principe suivant : Sébastien apporte les idées maîtresses
et les approches/solutions techniques, et Hélène construit la narration et
écrit.
Évidemment, ce n’est pas aussi simpliste que cela, et
toutes nos discussions se nourrissent de notre réflexion en commun et des idées
qui jaillissent en direct, chacun permettant à l’autre de donner plus qu’il ne
le ferait en travaillant seul.
Nous résumons souvent notre collaboration en disant
que 1 + 1 = 3, en ce qui nous concerne. J
Quand
avez-vous démarré votre activité d’auteurs indépendants ? Quelles raisons
vous y ont poussés, et de quelle manière cela s’est-il passé ?
Après 3 ans de collaboration active dans des domaines
divers couvrant l’écriture et le webmastering au sens large, l’expérience s’est
naturellement étendue vers la fiction, sur la base d’une proposition de
Sébastien qui voulait parler d’un sujet lui tenant à cœur et qui devait servir
de base à une semi-fiction.
Hélène voulant depuis longtemps revenir à ses
premières amours (le roman), le pas a été franchi en quelques minutes de discussion,
un peu comme tous les projets que nous lançons ensemble.
C’était en décembre 2010. Un an et 115 000 mots
plus tard, après des mois de bêta-lecture et de peaufinage, Rémoras sortait sur Amazon, et c’était
le début d’une nouvelle aventure palpitante.
Nous avons une prédilection pour les thèmes sombres,
les ambiances pessimistes et les fins ouvertes, qui invitent le lecteur à
choisir sa propre voie d’interprétation lorsqu’il arrive au terme de sa lecture.
Les personnages de Rémoras, compte-tenu du fait que l’histoire est en partie tirée de
faits réels, sont des doubles éloignés de trois personnes existant vraiment,
qu’il a donc fallu incorporer dans une fiction sans pour autant trahir leurs
traits fondamentaux et tout en leur rendant un peu hommage... malgré leurs
activités troubles.
Ceux de La
Trappe sont totalement inventés et empruntent des petits bouts de leur
personnalité à des tas de personnes (réelles ou fictives) qui nous ont inspirés.
Nous aimons aussi les défis : si Rémoras est écrit de façon assez
traditionnelle (récit au passé et à la troisième personne), malgré un montage
chronologique déstructuré, La Trappe,
la longue nouvelle qui en est la suite indirecte, est elle entièrement rédigée
au présent et à la première personne, sans dialogues avant la toute dernière
partie du livre.
La trilogie en cours d’écriture qui bouclera la
boucle ouverte par Rémoras (avec une
sortie du premier tome au printemps 2013 si nous tenons notre planning)
proposera encore une autre forme narrative intéressante, puisque tout sera
perçu de façon subjective par trois protagonistes principaux qui se situeront à
des lieux et/ou des époques différents.
De façon générale, nous avons envie d’écrire des
textes que nous aimerions lire et qui nous donnent la sensation d’accomplir une
quête, d’une façon ou d’une autre.
Publiez-vous
exclusivement en numérique ou également sur papier ? Comment cela se
passe-t-il, le cas échant, pour les versions brochées ?
Nous publions sur les deux supports.
Nos versions papier utilisent l’impression à la demande,
via les services de CreateSpace, la filiale d’Amazon.
Ce système nous permet de proposer par exemple Rémoras (plus de 500 pages en version
brochée) à moins de 20 € TTC.
Quels
avantages voyez-vous à agir en indé plutôt qu’en passant par l’édition
traditionnelle ?
En quelques mots : liberté, réactivité,
créativité.
Nous menons nos projets d’écriture comme nous
l’entendons, sans être tributaires de plannings extérieurs, de censure
éditoriale ou d’inertie vis-à-vis du numérique.
Hélène, qui est par ailleurs publiée sous son nom
chez un éditeur traditionnel, connaît bien les lourdeurs du système et la place
minime laissée à l’auteur dans la chaîne du livre. Nous ne voulions pas de cela
pour nos créations.
Les éditeurs « à l’ancienne » ont, entre
autres, beaucoup de mal à négocier le virage du numérique. Or c’est ce créneau
qui nous intéressait principalement au tout début, et nous voulions conserver
tous nos droits dans ce domaine, afin de pouvoir proposer notre roman à 3 €
et non pas à 15 € !
Nous avons juste contacté un éditeur (Fayard, qui a
demandé à nous rencontrer) lorsque nous étions en pleine réflexion, mais nous
avons très vite compris que nous nous sentirions pris au piège, alors que nous
avions tellement de projets que nous voulions contrôler nous-mêmes (la
traduction du livre, la création à moyen terme de notre propre structure
éditoriale, etc.)
Quelles
sont les inconvénients d’être auteur indépendant ?
Il faut tout faire soi-même, avoir un champ de
compétences très large qui ne cesse de croître (notamment en technique et en
promotion), ne pas avoir peur des longues heures de travail, être capable de se
remettre en question à tout bout de champ et d’aller solliciter soi-même de
nombreuses personnes, être inventif quant aux méthodes de promotion et tenir le
cap en toutes circonstances.
Quelles
difficultés rencontrez-vous, d’ordre technique ou autre ?
Le manque de temps est une préoccupation constante :
nous sommes un peu boulimiques, nous menons plusieurs gros projets de front et
nous avons parfois du mal à tenir les délais que nous avions initialement fixés
pour les livres de M.I.A., ce qui peut créer des frustrations.
Cela dit, un gros roman, une longue nouvelle, une
maison d’édition avec déjà 8 livres édités et 5 en préparation, et une trilogie
M.I.A. sur le feu, en plus de notre travail d’écriture
« alimentaire », le tout en moins de 2 ans… ce n’est pas si mal,
finalement. J
Que
pensez-vous du regard que portent les professionnels du livre – éditeurs,
auteurs, libraires, critiques, journalistes – sur l’autoédition ? Et les
lecteurs, qu’en pensent-ils ?
En toute honnêteté, l’avis des « experts »
concernant l’auto-publication nous indiffère. Ce qui compte pour nous, ce sont
les lecteurs, qui généralement disent sans problème ce qu’ils pensent et ne se
cachent pas derrière des considérations plus ou moins orientées et plus ou
moins valables pour formuler leurs critiques.
La publication sans éditeur a toujours eu mauvaise
presse en France, car elle a longtemps été réservée aux auteurs dont personne
ne voulait, à tort ou à raison.
Aujourd’hui, le vent tourne rapidement, et il ne
s’agit plus d’un pis-aller mais d’un véritable choix pour de nombreux auteurs qui
veulent (comme nous) conserver l’entière maîtrise de leurs écrits et qui savent
qu’ils sont capables, sans intermédiaire, de tirer parti des nouvelles
opportunités du numérique, pour lesquelles les éditeurs sont souvent loin
d’être compétents.
La plupart des lecteurs, si un livre tient bien la
route, s’il a une écriture intéressante et développe un univers personnel, se
fichent pas mal de savoir qu’il est édité par Untel ou Untel, surtout si le
prix est plus faible et que cela leur permet de découvrir autre chose que les
livres « à la mode » qu’on retrouve partout.
Évidemment, il y a de mauvais textes qui sont
proposés via l’auto-publication, mais on pourrait également citer des auteurs
édités qui ne révolutionnent pas non plus la littérature.
Encore une fois, ce sont les lecteurs et le temps qui
restent seuls juges de ce qu’un livre a, ou pas, dans le ventre. J
À votre
avis, de quelle manière le courant indépendant pourra-t-il gagner ses lettres
de noblesse en littérature ? Comment voyez-vous l’évolution de
l’autopublication ?
Petit à petit, comme aux États-Unis qui ont été
pionniers en la matière, c’est à force de voir émerger de bons titres et de
bons auteurs indépendants (en professionnalisant toujours plus l’activité des
auteurs et en limitant les livres de piètre qualité) que l’auto-publication en
France perdra son aspect un poil miteux et que le courant indépendant trouvera
sa juste et légitime place.
Tout est question de patience et d’évolution des
mœurs. Nous sommes un pays qui est souvent hostile au changement et qui ne
regarde pas toujours d’un œil bienveillant les entreprises qui sortent du champ
traditionnel, mais nous sommes aussi un pays qui aime lire et découvrir. Tous
les espoirs sont donc permis.
En plus
de votre activité d’auteur, vous développez, d’autres activités. Quelles
sont-elles ?
En premier lieu, une activité éditoriale. Les
Éditions Hélène Jacob ont vu le jour en septembre 2012, et nous avons déjà
publié 8 titres, les livres de M.I.A. étant bien sûr maintenant distribués via
notre structure.
Nous proposons aux auteurs qui veulent prendre le
même chemin que nous, mais qui n’ont pas les compétences techniques ou pas
l’envie de les acquérir, de bénéficier des mêmes possibilités que nous et
d’offrir à leurs livres les mêmes services. Avec, pour ces auteurs, une
rémunération bien supérieure à ce qui se pratique dans l’édition
traditionnelle.
Nous étoffons peu à peu notre équipe de travail. Dès
la création, nous avons été rejoints par notre ami et associé Gaël, ancien
conseiller éditorial dans une grande maison d’édition parisienne, ainsi que par
diverses personnes participant à notre comité de lecture ; un graphiste à
mi-temps vient de nous rejoindre pour travailler avec Hélène sur les créations
des visuels de nos livres. D’autres personnes devraient nous rejoindre avec le
temps pour répondre à la charge de travail croissante.
Nous sommes parallèlement en train de monter un grand
projet d’aide aux auteurs indépendants qui veulent mieux vendre sur Amazon. Mais
c’est encore en cours de création à l’heure où nous écrivons ces lignes, et le
secret restera gardé jusqu’au lancement, début mars prochain. J
Sinon, nous écrivons pour de nombreux client du Web
qui ont besoin de ghost-writers et nous assurons des prestations de traduction
et de webmastering.
Quels
sont vos projets d’auteurs ?
La trilogie La
Faille viendra compléter le cycle initié par Rémoras et La Trappe,
avec la sortie du premier tome, La Quête
d’Echo, au printemps 2013, si le planning est tenu.
Cette trilogie s’étalera jusqu’à mi-2014, afin de
boucler la boucle, puis laissera la place à un univers totalement différent
pour les livres suivants.
Nous devrions également continuer de proposer nos
livres en anglais, avec de nouvelles traductions à venir.
Rémoras est sorti en décembre 2012 sur le marché anglophone,
et nous voudrions que les suivants tiennent ce rythme. Tout dépendra de la
disponibilité de notre traducteur, puisque nous préférons ne pas assurer
nous-mêmes cette partie, afin de garder un peu de distance vis-à-vis de nos
textes et de nous consacrer à d’autres écrits.
Quels
sont vos projets d’éditeurs ?
Cinq livres sont en préparation actuellement, avec
des dates de sortie échelonnées entre février et mars 2013, le rythme de
croisière idéal pour l’avenir étant de 2 à 3 livres par mois, environ.
Jusqu’ici, nous sommes ravis des résultats obtenus et
de la collaboration avec les auteurs. Nous sommes heureux de leur permettre de
faire aboutir leurs projets et de leur donner les moyens de vivre la même
aventure que nous… même si nous ne sommes qu’une petite maison d’édition bien
peu traditionnelle. J
Bibliographie
de M.I.A.
Rémoras, roman, éditions Hélène Jacob, 2012
La Trappe, nouvelle, éditions Hélène Jacob, 2012
Consultez la
page auteur de M.I.A.
Pour découvrir les éditions Hélène Jacob, ses
auteurs, son catalogue, et envoyer vos manuscrits, c’est ici.
Un site incontournable avec des informations très pratiques pour les auto-édités!
RépondreSupprimerMerci beaucoup Laurent pour l'interview ! :)
RépondreSupprimerOn espère vous voir bientôt "chez nous".
Amicalement,
Sébastien
M.I.A
Merci Sébastien, ce sera avec plaisir…
SupprimerMerci Laurent. C'est avec beaucoup d'intérêt que je découvre M.I.A. et les éditions Hélène Jacob.
RépondreSupprimerHello, Charlie, je suis vraiment content si ce blog permet, entre autres, de faire découvrir des talents du côté des indés.
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