L'arrivée du livre numérique, en France, a inquiété (inquiète encore ?) bon nombre d'acteurs de la chaîne du livre. Parmi eux, une large proportion de libraires, redoutant la disparition pure et simple de leur profession telle que pratiquée jusqu'à présent.
À ce sujet, le responsable éditorial de Chapitre.com – libraire en ligne mais également détenteur de boutiques – nous éclaire sur la manière dont l'enseigne qu'il représente voit les choses. Son discours calme le jeu, témoigne d'une ouverture d'esprit qui manque à certains et apporte peut-être des solutions aux libraires de quartier, que personne ne souhaite voir disparaître.
Depuis quand Chapitre.com promeut-il les ebooks, et qu’est-ce qui l’y a amené ?
À ce sujet, le responsable éditorial de Chapitre.com – libraire en ligne mais également détenteur de boutiques – nous éclaire sur la manière dont l'enseigne qu'il représente voit les choses. Son discours calme le jeu, témoigne d'une ouverture d'esprit qui manque à certains et apporte peut-être des solutions aux libraires de quartier, que personne ne souhaite voir disparaître.
Depuis quand Chapitre.com promeut-il les ebooks, et qu’est-ce qui l’y a amené ?
Chapitre.com vend des livres depuis 1997. C’est le
plus ancien libraire en ligne français. S’il s’est d’abord spécialisé dans le
livre ancien et introuvable, le site a très vite intégré le livre neuf, puis le
livre d’occasion, avant de s’ouvrir à d’autres produits culturels. Nous sommes
donc spécialisés depuis le début dans la lecture sous toutes ses formes. La
lecture numérique était par conséquent une évidence. Nous nous y sommes d’ailleurs
très vite intéressés, puisque nous étions les premiers à lancer en France une
liseuse avec librairie intégrée, en octobre 2010 (l’OYO). Notre activité
numérique n’a cessé de croître depuis.
Quelle est
votre opinion sur ce support de lecture ? Quelles sont vos attentes, vos
engouements, vos réticences, vos craintes, vos objectifs ? En quoi le
numérique modifie-t-il le métier de libraire ?
Nous considérons la lecture numérique comme une
formidable opportunité et comme un complément idéal au livre papier. En matière
de créativité, nous sommes devant un univers de possibles, notamment avec le
développement du livre numérique enrichi. Au-delà de la simple curiosité, les
personnes qui adoptent la lecture numérique le font souvent pour des raisons
pratiques : payer moins cher les livres et lire des gratuits du domaine
public, multiplier les occasions de lecture (notamment dans les transports)
grâce au poids allégé des supports numériques, pouvoir terminer un livre et
enchaîner immédiatement sur le suivant… Cela dit, le livre papier continue à
remplir des fonctions culturelles particulières (décoratives, charnelles…) que
le livre numérique n’est pas près de supplanter. D’où leur complémentarité. Pour
ce qui est des changements dans le métier, la stratégie pour notre réseau de 57
librairies vise à placer le numérique au cœur du métier de libraire. Nous avons
mis en place des corners numériques dans nos magasins, qui permettent aux
clients d’acheter directement (ce qu’il est possible de faire sur un site Internet)
leurs livres numériques dans une boutique. D’autres projets permettant
d’intégrer les libraires à cette révolution sont en réflexion. Nous sommes en
effet convaincus que le conseil prodigué par un libraire reste une valeur ajoutée
sans égal.
Que
pensez-vous du conflit entre livre papier et livre numérique ?
Comme évoqué plus haut, nous pensons qu’il y a avant
tout complémentarité entre les deux. Si une partie des livres papier pourrait
être affectée, on constate, d’après des études aux États-Unis (qui se sont
lancés dans cette révolution quelques années avant nous), que la consommation
totale de livres chez les lecteurs numériques a plutôt tendance à augmenter. La
grosse interrogation concerne la future génération, qui sera en contact très
jeune avec les tablettes et la lecture interactive. Quelles seront ses rapports
au livre papier ? Nul ne peut encore le prédire. Ce qui reste certain
aujourd’hui, c’est que les usages du livre dépassent la lecture (beaux livres,
livres anciens, …) et ont une vocation culturelle – voire décorative
(bibliothèque) qui leur confère un rôle très particulier.
De quelle
manière les éditeurs « traditionnels » passent-ils au
numérique ? Contraints et forcés, ravis ? Quel est leur état
d’esprit ?
S’il a fallu un certain temps pour que l’édition
française s’intéresse au numérique, force est de constater que le pas est
aujourd’hui franchi. En témoigne la grande majorité des livres de la rentrée
littéraire, qui a été publiée en format papier et en format électronique.
Certains éditeurs se lancent également dans des éditions 100 % numériques
(voir la dernière collection Harlequin). Même si cela modifie quelque peu leur
métier traditionnel, le numérique constitue aujourd’hui le quotidien de
nombreux éditeurs, au même titre que le livre papier.
Que
pensez-vous de la politique tarifaire que mènent certains de ces éditeurs, qui
proposent des ebooks à peine moins chers que les brochés grand format ?
À en croire les différentes études publiées, le prix
du livre numérique reste un facteur freinant son développement en France. Il
est en moyenne entre 20 et 30 % moins cher que le livre papier, ce qui ne
manque pas de créer quelques incohérences de prix entre les différents formats.
Cela dit, nous sommes encore aux débuts de ce nouveau marché, chaque acteur
prend ses marques et avance peu à peu. La situation évoluera probablement dans
les années à venir.
Depuis peu,
vous offrez la possibilité à des auteurs indépendants de proposer leurs textes
sur votre site. Comment doivent-ils procéder ?
Ils n’ont qu’à m’appeler. Nous privilégions le
contact humain et nous adaptons à chacun en fonction de ses besoins. Nous
considérons que cela fait partie de notre métier de libraire. Le système
fonctionne bien puisque la plupart des auteurs indépendants rencontrent un
grand succès sur notre site et sont très satisfaits du travail d’animation que
nous faisons pour eux.
Quel regard
portez-vous sur l’autoédition et sur les auteurs indépendants ?
L’important pour nous est la qualité. Nous ne sommes
fermés à aucune proposition, mais nous souhaitons proposer à nos lecteurs ce
qu’ils recherchent. Nous sommes toujours très heureux de voir des inconnus apparaître
du jour au lendemain dans nos meilleures ventes. Cependant, nous pensons que
l’auto-édition ne convient pas forcément à tout le monde, et que le métier
d’éditeur reste un savoir-faire particulier et très précieux pour les auteurs.
Quelle est
leur politique tarifaire ?
La plupart proposent leurs livres à moins de 5 euros,
ce qui représente un seuil psychologique pour le lecteur avide de découvrir de
nouveaux auteurs, sans être prêt à investir 15 ou 20 euros, comme il le
ferait pour un auteur reconnu.
Face aux
éditeurs traditionnels, quelles sont les chances de visibilité des auteurs
indépendants sur Chapitre.com ?
Presque égales. Évidemment, nous relayons les
best-sellers et les opérations promotionnelles de l’édition traditionnelle qui
intéressent beaucoup de nos clients. Mais il y a de la place pour tout le monde.
Estimeriez-vous
judicieux de créer dans vos rayonnages une section « auteurs
indépendants », comme cela existe pour les CD, par exemple ?
Tout à fait. Il existe sur Chapitre.com une rubrique
« Seulement en numérique », où se trouvent les auteurs indépendants
et nos auteurs coups de cœur. Ce segment fonctionne très bien et éveille la
curiosité de nos clients.
En termes
de ventes, comment se positionnent les auteurs indépendants, comparativement
aux auteurs issus des maisons d’édition traditionnelles ?
Dans le top 100 de Chapitre.com pour l’année 2012, il
y avait une dizaine de titres d’auteurs indépendants. Le prix peu élevé de ces
ebooks est l’une des raisons qui expliquent ce phénomène, mais pas la plus
importante, puisque tous les auteurs indépendants ne rencontrent pas un tel
succès. Le secret, c’est la qualité !
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