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27 février 2013

Jean Malaquais, Jean du voyage


Des êtres de chair et de sang s’apparentent parfois à des personnages d’encre et de papier. Ainsi en est-il de Vladimir Jan Pavel Israël Pinkus Malacki ; Jean Malaquais, en français. Car, apatride dont la littérature demeure le seul pays, il élit la France comme terre d’asile, après avoir quitté sa Pologne natale à 17 ans, sillonné le monde, fui le nazisme. Mais la France lui refuse une nationalité que lui accordent les États-Unis, à lui, le « métèque », le juif gauchiste ; belle ironie ! Geneviève Nakach, dans une biographie qui se dévore comme un livre d’aventures, retrace le(s) parcours de cet insoumis, que ni la pauvreté ni l’obligation de gagner durement son pain par mille moyens n’empêcheront d’écrire. Styliste incomparable comparé à tort à Céline, quand Kafka tiendrait mieux le rapprochement, auteur de nombreux textes, il ne publie que trois romans : Les Javanais (Renaudot 1939), Planète sans visa et Le Gaffeur. La guerre a-t-elle emporté son souffle en emportant son frère, exterminé en camp, figure récurrente de ses récits, dont il murmurera le nom sur son lit de mort ? Quelques jours avant, éternel insatisfait, il aura achevé la réécriture de ses romans, 60 ans après la première édition. Molière meurt en scène, Malaquais en écrivant ; une fin aussi romanesque que ses débuts, où fauché et transi de froid à Paris, il se réchauffe à la bibliothèque Sainte-Geneviève. Là, il lit un article consternant de Gide, sur la misère. Il lui adresse une lettre, les deux hommes se voient, s’expliquent, deviennent amis. C’était l’époque qui voulait ça, diront certains. Pas d’accord. Ce sont les hommes qui font l’époque, et non le contraire. Sinon, c’est qu’il n’y a plus d’hommes.

Malaquais rebelle, de Geneviève Nakach, cherche-midi, « Documents », 348 p., 18 €.

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