Des êtres de chair et de sang
s’apparentent parfois à des personnages d’encre et de papier. Ainsi en est-il
de Vladimir Jan Pavel Israël Pinkus Malacki ; Jean Malaquais, en français.
Car, apatride dont la littérature demeure le seul pays, il élit la France comme
terre d’asile, après avoir quitté sa Pologne natale à 17 ans, sillonné le
monde, fui le nazisme. Mais la France lui refuse une nationalité que lui
accordent les États-Unis, à lui, le « métèque », le juif
gauchiste ; belle ironie ! Geneviève Nakach, dans une biographie qui
se dévore comme un livre d’aventures, retrace le(s) parcours de cet insoumis, que
ni la pauvreté ni l’obligation de gagner durement son pain par mille moyens
n’empêcheront d’écrire. Styliste incomparable comparé à tort à Céline, quand
Kafka tiendrait mieux le rapprochement, auteur de nombreux textes, il ne publie
que trois romans : Les Javanais
(Renaudot 1939), Planète sans visa et
Le Gaffeur. La guerre a-t-elle
emporté son souffle en emportant son frère, exterminé en camp, figure
récurrente de ses récits, dont il murmurera le nom sur son lit de mort ?
Quelques jours avant, éternel insatisfait, il aura achevé la réécriture de ses
romans, 60 ans après la première édition. Molière meurt en scène,
Malaquais en écrivant ; une fin aussi romanesque que ses débuts, où fauché
et transi de froid à Paris, il se réchauffe à la bibliothèque Sainte-Geneviève.
Là, il lit un article consternant de Gide, sur la misère. Il lui adresse une
lettre, les deux hommes se voient, s’expliquent, deviennent amis. C’était
l’époque qui voulait ça, diront certains. Pas d’accord. Ce sont les hommes qui
font l’époque, et non le contraire. Sinon, c’est qu’il n’y a plus d’hommes.
Malaquais rebelle, de Geneviève Nakach, cherche-midi, « Documents », 348 p., 18 €.
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