La
rubrique « Un auteur indépendant se présente » est un espace d’expression
et de visibilité pour tout auteur indé qui le souhaite. Ici, chacun a carte
blanche pour parler de ses œuvres, de son univers, de son parcours, de ses projets,
et de l’édition indé.
De
ça et du reste, puisque l'indépendance, c'est la liberté.
Merci
à Charlie Bregman pour sa contribution.
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© Charlie Bregman |
MES OUVRAGES
J’ai
38 ans, mais je suis ce que l’on peut appeler un « jeune » auteur, parce
que je n’ai à ce jour publié qu’un seul roman. J’écris pourtant depuis l’âge de
13 ans. Mon professeur de français de l’époque avait réussi à nous donner le
goût de la lecture en nous imposant un recueil de nouvelles de science-fiction
au sujet des voyages dans le temps. Elle nous avait demandé, en fin d’année,
une fois le conseil de classe passé, de nous adonner à ce genre d’exercice. Le
fait de ne pas avoir à être noté pour cette rédaction m’avait particulièrement
libéré, et j’avais alors rendu un texte de seize pages manuscrites, ce qui ne
m’était jamais arrivé auparavant.
À
partir de ce moment-là, l’amour de l’écriture ne m’a plus jamais quitté, même
si parfois, par la force des choses, il y a eu des périodes beaucoup moins prolixes
que d’autres. Parce que les impératifs de la vie ne nous laissent parfois guère
de temps pour nous consacrer à ce qui nous anime pourtant au plus profond des
tripes. C’est comme ça. L’écriture ne tolère que très peu les infidélités. Et
ce n’est que depuis quelques mois que j’essaie de réduire mon investissement en
tant que professionnel indépendant de l’architecture au profit d’une plus
sérieuse réalisation de mes multiples projets en cours.
En
revanche, une chose est sûre, de tout ce que j’ai pu écrire auparavant, rien ne
sortira de mes tiroirs en l’état actuel. Ce sont des écrits trop personnels,
pour la plupart, et surtout beaucoup trop sombres, de manière générale. Le fait
de vouloir partager un texte avec un lecteur, pour moi, revient à lui apporter
de l’énergie, quelque chose de l’ordre de l’onde positive, de l’escapade. Bref,
une bouffée d’oxygène. La vie est parfois bien assez compliquée comme ça pour
qu’un livre nous invite à noircir encore le tableau.
MON UNIVERS LITTÉRAIRE
Si
j’ai été un grand lecteur, je le suis beaucoup moins depuis une dizaine
d’années. Par manque de temps, car je suis un vrai passionné dans ce que je
fais (architecture, design, écriture…) et aussi parce que je ne veux pas passer
à côté de la vie de famille (j’ai deux filles de moins de dix ans, et je ne
veux pas regretter de ne pas avoir su passer assez de temps avec elles quand il
sera trop tard). J’ai donc le sentiment réel, à côté des autres auteurs, d’être
un véritable inculte. Rien que pour l’anecdote, je n’ai pas encore lu un seul
Houellebecq. Aucun auteur n’osera jamais avouer une chose pareille. Moi, si. Je
joue carte sur table. Je ne suis pas un crack, je n’ai pas d’opinion sur tout.
Si j’écris, ça ne fait pas de moi un ténor. Je ne le fais que parce que j’ai des
choses à dire et à partager. Mais je tiens une liste de tout ce qu’il me faut
absolument rattraper, et je m’y attelle.
Dans
ma bibliothèque, il y a de tout. Mes auteurs préférés appartiennent plutôt aux
classiques : Dostoïevski, Kafka, Buzzati, Saint-Exupéry… Je suis aussi un
inconditionnel de Marcel Pagnol, de Mark Twain et de Jules Verne. Les auteurs
qui m’ont donné le goût de la lecture étant enfant ont définitivement gagné mon
admiration.
Chez
les auteurs plus contemporains, mes lectures correspondent à mon humeur du
moment, parfois légères, parfois plus « musicales » (j’attache
beaucoup d’importance au choix des mots, aux sonorités dans une phrase et au rythme
du texte), parfois plus intellectuelles. J’aime Amélie Nothomb, pour son style
percutant, son sens aigu du mot incisif, et aussi pour son autodérision (ses
textes d’inspiration autobiographiques sont à mes yeux les meilleurs). Quitte à
ce que cela soit très mal perçu de la part des autres auteurs qui liront cette
interview, j’affirme que je suis également fan de Bernard Werber, malgré le
fait que sa musique verbale ne fasse manifestement l’objet d’aucun travail
réel. J’aime son univers, sa curiosité intellectuelle et sa façon de mener des
histoires parallèles entrecoupées de textes plus « éducatifs »…
J’aime Dan Brown, pour sa grande capacité à tenir le lecteur en haleine. J’aime
Coelho, pour son appel à plus de spiritualité. J’aime Katherine Pancol et J.K.
Rowling. Je me suis évadé aussi à la lecture de quelques Marc Lévy. Un peu
moins avec Musso, jusqu’à présent, mais je ne désespère pas. Je n’ai rien
contre la littérature populaire. Le succès est quelque chose d’admirable, et
non de honteux comme la plupart des critiques s’amusent à le laisser croire,
avec parfois une mauvaise foi qui m’horripile. Certains auteurs s’évertuent à
imaginer de belles histoires, d’autres, à aligner de belles phrases… Que chaque
auteur écrive ce qu’il veut écrire et qu’on lui fiche la paix. Il y a trop de
snobisme dans ce milieu. La littérature ne relève pas d’une élite : elle
ne souffre aucune doctrine car elle n’est que partage. Si mon livre peut plaire
à un critique intellectuel du monde parisien, j’en suis très honoré, mais en
toute honnêteté, je le suis tout autant s’il peut plaire à ma factrice.
POURQUOI L’AUTOÉDITION ?
Quand
on habite en province, que l’on n’a aucun contact au sein du milieu éditorial parisien,
même si ça fait cliché de dire ça, on part avec très peu de chances de pouvoir
être publié. Si, en plus, on tient compte du fait que les éditeurs prennent de
moins en moins de risques à publier de nouveaux auteurs, et aussi du fait que
les livres restent de moins en moins longtemps sur les rayonnages des libraires
afin de laisser la place aux suivants, je trouve que ça fait beaucoup de points
négatifs contre le recours aux éditeurs traditionnels. Les seuls avantages qu’il
faut leur laisser pour le moment sont cependant peu négligeables : la
crédibilité et la distribution.
Face
à ce constat, j’ai longuement hésité et j’ai décidé de ne consulter qu’une
seule maison d’édition. Après plus de deux mois de patience, leur réponse m’est
revenue négative, sous forme de lettre type. Impatient de passer à d’autres
projets, et aussi peu désireux de dépenser des fortunes en frais d’impression
et d’envois, j’ai aussitôt décidé de me lancer dans l’autoédition. D’abord pour
le plaisir de pouvoir décider moi-même de l’apparence générale du bouquin et en
dessiner la couverture, mais aussi pour l’aventure et surtout l’ivresse de la
liberté.
En
autoédition, quand vous avez envie d’écrire que votre personnage en a marre et
qu’il va se « pieuter » au lieu de se « coucher », personne
n’est là pour essayer de vous convaincre de corriger votre langage. D’ailleurs,
quand vous êtes énervé, vous, vous allez vous pieuter, ou bien gentiment vous
coucher ?
LES DIFFICULTÉS
RENCONTRÉES
J’ai
jusqu’à présent rencontré deux types de difficultés : d’abord techniques,
puis ensuite partenariales.
J’ai
passé beaucoup de temps à régler mes différentes mises en page. Par souci de
bien faire, la publication de mon premier roman a été le résultat d’un long
parcours. J’ai d’abord publié l’intégralité du premier brouillon sur un blog,
en collaboration avec un illustrateur. Cela m’a permis de tester les réactions
des lecteurs en « live », et aussi de m’obliger à des impératifs
quotidiens d’écriture. Ensuite, une correctrice professionnelle a mis le nez
dans le manuscrit, ce qui n’était pas du luxe, car en plus des fautes
d’orthographe qu’on laisse toujours passer, il y avait beaucoup de règles
d’orthotypographie que j’ignorais, comme celles qui régissent le fait d’écrire
certains mots entre guillemets plutôt qu’en italique, par exemple. Comme j’ai
effectué une première impression papier « test », d’une quarantaine
d’exemplaires, suite à laquelle j’ai dû changer d’imprimeur pour des
contraintes liées aux coûts de fabrication d’un nouveau tirage de 300, cela m’a
demandé deux mises en pages différentes. Ensuite, il a fallu créer un nouveau
fichier pour la version numérique. J’ai galéré pendant quelques temps avant de
pouvoir rendre accessible ma table des matières aux utilisateurs d’Amazon. Plus
récemment, l’ouverture d’un compte pour pouvoir publier sur l’iBookStore d’Apple
m’a obligé à faire appel à mon ami Rémy Giemza, auteur du roman La Trillionnaire, qui a eu beaucoup de
succès sur cette plate-forme. Les journalistes semblent tout faire pour que le
travail d’autoédition soit assimilé à un clic un peu trop facile dans la tête
des consommateurs, mais ce n’est pas le cas. L’autoédité est souvent seul face
à ses problèmes. Aucune aide technique ni commerciale de la part des plates-formes
de distribution habituelles.
Concernant
les difficultés humaines, il y a bien évidemment le gros manque de crédibilité dont
souffrent les autoédités, comparativement aux autres. Je savais que cela allait
me demander un peu d’énergie, mais je sous-estimais complètement le manque
d’ouverture d’esprit des libraires. Moi qui pensais que ces gens
s’intéressaient avant tout aux livres, je me suis trompé. Les rares que j’ai
osé aborder n’étaient pas du tout enclins à sortir des sentiers battus.
Demander à un libraire s’il prend parfois des ouvrages autoédités en
dépôt-vente revient à lui tendre une perche pour vous faire battre.
Je
trouve cela dommage, car s’il est exact que certains auteurs indé n’hésitent
pas à publier leurs pires brouillons sans le moindre état d’âme (je ne vous
parle même pas des problèmes d’orthographe, de conjugaison et de syntaxe),
d’autres ouvrages, plus sérieux, méritent vraiment qu’on leur laisse une
chance.
MES SUCCÈS
Mon
avant-première publication papier a été un succès. Les retours des lecteurs
étaient tous très positifs et encourageants, et je les remercie encore pour
leur soutien car je ne sais pas si je serais allé plus loin dans le cas contraire.
Parmi eux, il y avait quelques animateurs de blogs de lecture, et aussi trois auteures :
Gwënola Guillou, hélas décédée (elle était l’auteure d’un livre pour enfants
intitulé Les Aventures de Zébu Chaton au Viet-Nam),
Marie Fontaine (auteure de Gemini, Je suis venue vous e-dire…), et Sophie Adriansen (De Funès, regardez-moi là, vous !)
qui est également membre de plusieurs jurys littéraires. Le fait d’avoir pu
bénéficier d’un retour très positif de la part d’une habituée des jurys
littéraires, qui était au départ, de surcroît, très réticente à l’idée de
découvrir le roman d’un autoédité, a été pour moi quelque chose de très
valorisant.
Ces
différentes critiques de lecture ont été un bon moyen de faire connaître le livre,
car je n’avais alors pas encore mis au courant mon entourage de mon activité
d’auteur.
Petit
à petit, ma visibilité sur Internet m’a permis d’être contacté par un agent
littéraire et plusieurs éditeurs numériques. Mais les choses tardaient à se
concrétiser, même avec eux, et j’ai donc décidé de publier au format numérique
par moi-même, un an après la publication papier.
Mon
roman a figuré parmi la sélection d’ebooks à découvrir de la dixième newsletter
du Kindle Direct Publishing d’Amazon. Lors des campagnes de promotion gratuites
de cette même plate-forme, il s’est retrouvé classé numéro 1 des ventes en « Livres
pour la Jeunesse », et 6e du classement toutes catégories
confondues.
Mais
ces résultats en apparence très encourageants ne m’ont permis d’atteindre que
la 676e place des meilleures ventes d’Amazon, ce qui est absolument
insuffisant pour obtenir la visibilité que l’on aimerait avoir au sein des
différentes catégories de ce site.
MES ATTENTES
J’espère
beaucoup de la Saint-Valentin qui arrive, car mon roman se prête bien à une
déclaration d’amour accompagnée d’une boîte de chocolats ou d’un bouquet de
fleurs. J’essaie donc de communiquer au maximum autour de cette idée, même si
je suis un pitoyable commercial. Autant je rêve que mes écrits aient du succès,
autant je ne souhaite pas devenir célèbre, car je trouve qu’à petite échelle le
fait d’être devenu un « auteur » aux yeux de certains a changé pas
mal de rapports, et pas forcément de manière positive. J’attends donc des
publications numériques qu’elles puissent m’aider à payer mes factures, mais
l’idéal pour moi serait qu’elles le fassent tout en me permettant de rester en
retrait…
MES PROJETS
Plusieurs
projets sont en cours, en vue de publications numériques principalement. La
plupart sont des nouvelles, d’inspirations variées. Un deuxième roman est en
cours d’écriture, dans le cadre d’une quadrilogie dont Vivement l’amour serait le premier tome. Un recueil de textes plus
« légers » est envisagé dans un avenir plus proche, sur un ton plus
humoristique et décalé que les autres.
L’AVENIR DE
L’AUTOÉDITION
Si
j’étais libraire, je commencerais d’ores et déjà à me préoccuper de mon avenir
avant que les éditeurs traditionnels en arrivent à des choix qui me laissent au
bord du chemin.
Je
pense que l’autoédition est en train de devenir un adversaire de taille pour
l’édition traditionnelle, et cela grâce aux formats numériques.
Pour
le moment, la lecture sur support papier a encore ses fervents défenseurs, mais
dans les années à venir, au regard du nombre de tablettes commercialisées en
fin d’année 2012, les choses vont commencer à évoluer. Le virage est amorcé, et
même si les vieux camemberts que nous sommes ont toujours un long train de
retard sur les États-Unis, cette révolution aura lieu.
Là
où les autoédités sont en train de prendre l’avantage, c’est sur le terrain du
prix. Beaucoup d’éditeurs en place voient le numérique comme une occasion de
plus de se faire beaucoup d’argent sur le dos des auteurs. Ce n’est pas normal
qu’un ebook soit vendu pratiquement au même tarif qu’un livre papier, pour lequels
il y a un coût réel de fabrication, de distribution, et de part réservée aux
libraires, sans que les droits d’auteur n’augmentent pas en conséquence. À
moins d’être de sérieux escrocs, la plupart des autoédités ont conscience de
cette réalité, pour des tarifs de trois à sept fois inférieurs à ceux des
éditeurs… pour le plus grand plaisir des consommateurs.
Grâce
à ces tarifs très attractifs, certains auteurs commencent vraiment à démontrer
que l’autoédition n’est pas forcément incompatible avec le talent. En témoigne
le succès actuel d’Agnès Martin-Lugand (Les gens heureux lisent et boivent du café),
qui est, je pense, une bouffée d’espoir pour l’ensemble des autoédités, puisque
je crois que c’est l’une des premières fois que cela arrive en France.
En
plus, depuis quelque temps, des mouvements de solidarité entre auteurs
autoédités font leur apparition, et je pense qu’à long terme nous verrons
émerger des sortes de labels indépendants, garants d’une certaine qualité aux
yeux des lecteurs.
Vous
voulez plus de news à propos de l’autoédition ? Rendez-vous chez Bruno !
Étant
donné qu’aucun réseau de distribution ne semble s’intéresser à nous, nous
sommes bien partis pour nous serrer les coudes et nous aider les uns les
autres.
Le
XXIe siècle sera communautaire ou ne sera pas.
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