© Louise_Imagine, © Laurent Bettoni |
Avec Chris Simon (La Couleur de l'oeil de Dieu, Le Baiser de la mouche, Ma mère est une fiction), nous nous sommes livrés à un entretien questions-réponses sur le livre numérique et sur l'autopublication, dont on s'acharne, en France, en dépit des efforts de certains et du mouvement en marche, à parler encore trop peu et surtout trop mal.
Les 6 questions que nous nous sommes posées (la liste n'est pas exhaustive) sont les suivantes :
1/ Quelles sont les raisons qui t'ont conduit(e) à l'autopublication en numérique ?
2/ Quels sont les inconvénients de l'autopublication en numérique ?
3/ Que penses-tu de la rivalité papier/numérique ?
4/ En quoi le numérique peut-il démocratiser la lecture ?
5/ En quoi le numérique peut-il démocratiser l'écriture ?
6/ En quoi le statut de l'auteur "numérique" diffère-t-il ou ne diffère-t-il pas de celui de l'auteur "papier" ?
Ces entretiens croisés seront publiés en alternance sur le blog de Chris Simon, Le baiser de la mouche, et sur Écran total. "Croisé" signifie que nous avons établi un véritable cross-over entre nos deux blogs ; les questions 1, 3 et 5 seront traitées sur Le baiser de la mouche, les questions 2, 4 et 6 sur Écran total.
Ces entretiens se veulent participatifs, interactifs, communicatifs, et tout commentaire, toute réaction, tout débat sont les bienvenus.
À très bientôt, donc, j'espère pour cet échange d'idées…
En quoi le statut de l’auteur « numérique » change-t-il ou ne
change-t-il pas,
comparativement au statut de l’auteur « papier » ?
Chris Simon. L'auteur ou même le journaliste en France a vraiment un statut différent de celui aux États-Unis. L'auteur en France ne semble pas inscrit dans une définition démocratique, il semble se définir par une certaine supériorité, due à son décalage d'homme qui regarde. Du reste l'auteur en France est encore un homme dans l'imaginaire collectif et porte une pile de livres en papier au parfum de salpêtre ;-)
Alors évidemment l'homme qui regarde avec une tablette ça ressemblerait plutôt à François Bon qu'à Jean Genet. Bien que je ne pourrais expliquer pourquoi Genet avec un Kindle me paraît crédible. Et une auteure comme Marguerite Duras ou bien Christine Angot aussi. Essayez d'imaginer des auteurs vivants ou morts avec une liseuse ! ;-)
Je me sens une auteure du numérique. Il n’y a pas d’explication
à part que cela correspond à mon temps, mon époque, ma façon de vivre. Je
trouve les rapports avec les “Pure players” plus directs, plus efficaces, plus
sains aussi ; et surtout la possibilité de pouvoir se passer d’un éditeur me parait salvatrice. Ce
n’est pas obligatoire, mais c’est possible. L’auteur a le choix. La facilité
avec laquelle on peut aujourd’hui publier sur un blog ou un livre en numérique
annonce une véritable évolution des usages de la lecture et de l’écriture.
Je m’adresse presque directement au lecteur et une
fois mon œuvre écrite tout va dix fois plus vite qu’avec un éditeur papier. L’auteur
enfin voit son œuvre exister en temps réel. En ça, oui, le statut de l’auteur a
changé.
Laurent
Bettoni. L’auteur
« numérique » autopublié, d’une manière ou d’une autre, doit mettre
les mains dans le cambouis. Il est à la fois auteur, correcteur, maquettiste,
graphiste, éditeur, technicien, attaché de presse. C’est en cela que son statut
change. Un auteur pris en main par un éditeur n’a qu’à se concentrer sur son œuvre.
La suite ne lui appartient plus. Un indé fait tout de A à Z. Même s’il délègue
certaines de ces tâches, il se doit de toutes les superviser et détient le
final cut sur chacune. Il devient adulte, responsable de chaque étape de la
chaîne de fabrication de son livre.
J’ai la chance de travailler dans l’édition et de
pouvoir « subvenir » à mes besoins, d’évoluer en totale autonomie.
J’ai en plus une formation et un diplôme de correcteur. Si bien que, de la
correction à la conversion des fichiers, de la mise en page à la création de la
couv, je fais tout sans recourir à personne. Cette liberté totale est un luxe
et me facilite grandement la vie. J’ai conscience que, pour d’autres, ce n’est
pas aussi simple. Déléguer coûte de l’argent. Et certains ne peuvent pas
investir des fortunes, alors ils font ce qu’ils peuvent. C’est souvent pourquoi
les livres indé ont mauvaise réputation, car beaucoup sont truffés de fautes,
présentent des mises en page catastrophiques et des couvertures
« bricolées » qui ne donnent pas envie.
L’auteur indé est responsable de l’aspect pro ou non
de son livre, voilà également ce qui change dans son statut.
Chris
Simon. Oui, le numérique
pourrait bien se révéler ce passage à l’âge adulte de l’auteur. Il devient
responsable de son œuvre et il a le choix de confier le travail à quelqu’un
d’autre ou de le faire lui-même, pour au final tout valider. On ne reproche pas
en France aux réalisateurs d’être à la fois scénaristes, réalisateurs, monteurs
et producteurs de leurs films ! Il me semble même qu’au contraire ces
réalisateurs sont vus comme des génies. ;-)
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Echanges intéressants même si je trouve l’argument de l’ebook qui ne tue pas d’arbres peu convaincant. Les liseuses et les tablettes font partie par excellence de l’obsolescence programmée avec des batteries peu aisées à changer et qui coûtent plus chères au bout de 2 ans que la valeur de la liseuse/tablette, pour pousser à en racheter. De plus, Amazon doit stocker les livres numériques sur des serveurs très énergivores qu’a dores et déjà condamnés Greenpeace. Le problème écologique est toujours à prendre dans sa globalité, de A à Z, de la conception à la destruction/recyclage de l’objet. Donc, à mon humble avis, le livre papier doit gagner haut la main ce duel.
RépondreSupprimerL’ebook dans les cartables me paraît aussi une fausse bonne idée. D’une part, le matériel électronique vendu aux collectivités est hors de prix avec son lot d’extensions de garanties inutiles. Une commune près d’Angers s’est équipée en Ipad l’année dernière et les chiffres communiqués laissaient une ardoise – jeu de mot facile ! – de près de 650€ par objet alors que l’Ipad de base coûtait 489€. Ensuite, l’objet est si fragile que cela serait une hécatombe. Pour preuve, ma femme vient de casser sa tablette (écran HS) à l’instant en la laissant tomber de pas très haut. Sans compter le nombre d’intellectuels qui feraient exprès de la casser…
Concernant le prix des ebooks, je trouve la fourchette de 2-4 euros pertinente. En dessous, cela dévalorise le travail d’écriture et habitue le lecteur à un faux prix. Et vu qu’un auteur récupère environ 2 euros sur la vente d’un livre classique, je ne vois pas pourquoi il devrait en récupérer plus sur un ebook (même si les ventes ne sont pas du tout au même niveau ce qui peut, je l’accorde, poser problème). Par contre, les éditeurs jouent trop avec le feu. Prenons un exemple simple. Le premier Musso disponible en poche sur Amazon, L’appel de l’ange. Il est vendu 7,22€ en poche et…12,99€ en kindle ! Cherchez l’erreur… Et évidemment, l’expérience peut se faire avec n’importe quel auteur. Comment en arrive-t-on à cette aberration ? Le seul bénéfice, comme vous le signalez, est à chercher dans un nouveau roman qui sera proposé à 17€ en numérique contre 21€ en version broché. Mais même là, la maison d’édition marge plus (4,50€ contre 4€ en moyenne). Je ne vois pas pourquoi on cherche à faire plus d’argent sur le numérique que sur le papier. Ce n’est pas en plus comme s’il n’y avait pas eu de précédents avec la musique… Bilan : les lecteurs vont vers la TeamAlexandriZ qui proposent une alternative gratuite et d’excellente qualité. Illégale certes mais comment blâmer les lecteurs ? Et on connaît le résultat des courses. Dur de revenir vers un système payant quand on a connu le tout gratuit. Les éditeurs auraient voulu se tirer une balle dans le pied qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement !