J’ai
découvert les toutes jeunes éditions Lunatique (2 ans d’existence le 15 février
2013) en juillet 2012, par hasard, en surfant sur Facebook. Gloire à toi, Ô,
dieu du hasard et du Net ! La page d’accueil de leur site annonçait :
« Les petites musiques qui émaneront de Lunatique ne s’accorderont jamais
au son des études de marché. […] Nous nous employons à mettre en valeur ici les
écrits qui ne trouvent pas leur place ailleurs. […] Lunatique est avant tout
une bande, une raïa de talents divers, contraints ailleurs, cultivés chez
nous. »
O.K., encore des qui se la pètent, ai-je aussitôt pensé. Encore des qui se la racontent « éditeurs indé underground pour
auteurs bobos parigo-branchouilles ». Alors je suis allé voir, j’ai
voulu me rendre compte de la énième supercherie en la matière. Je suis allé
voir, ouais. Et n’en suis pas revenu. Amoureux foudroyé, que je suis tombé.
Raide love comme une midinette devant un mec « trop beau ». Depuis,
je ne les lâche plus, je leur colle aux basques, à ceux de chez Lunatique, à
guetter comme un vrai lourdingue leurs nouvelles parutions.
Je
leur ai fait croire que le seul moyen de se débarrasser de moi était de
m’accorder cet entretien en 6 questions. Ils ont accepté. Ce qu’ils ignorent,
c’est que ça ne fait en vérité que préfigurer une longue, très longue série
d’interviews. D’eux, les éditeurs, mais aussi des autres, leurs auteurs. Et ce
n’est pas tout, je parlerai de leurs livres aussi. Au fond, c’est ce qui
restera après nous, les écrits, non ?
Ainsi se poursuit la thématique Lunatique, avec le tour de la maison – 2e étage – par les propriétaires, Pascale Goze et Jean-François Dalle.
Quand vous dites que « vous vous
employez à mettre en valeur des écrits qui ne trouvent pas leur place
ailleurs », qu’entendez-vous ? Comment vous situez-vous par rapport
aux « éditeurs de la grande distribution » ?
Pascale Goze. Non tenus de
faire du chiffre, nous nous faisons plaisir avant tout en sélectionnant des
textes dont le propos ou la tournure ne s’inscriraient pas aisément dans une
ligne éditoriale stricte. Beaucoup d’auteurs viennent à nous alors qu’ils ont
déjà publié dans des maisons plus connues que Lunatique, voire prestigieuses.
Simplement, le manuscrit qu’ils nous soumettent ne correspond pas aux attentes
de ces maisons.
Nous travaillons au coup de cœur, ce
qui nous amène bien souvent à prendre des risques. Certains de nos ouvrages
présentent une liberté de ton et de pensée qui, sans être provocante, prend parfois
la morale à rebrousse-poil. Nous ne cherchons pas des textes qui vont choquer,
ce n’est pas notre propos ; mais des textes qui vont ébranler ou faire
réfléchir. Maintenant, nous sommes conscients que bon nombre d’auteurs se
tournent vers des maisons comme la nôtre après avoir essuyé un refus de plus
prestigieuses. Rares sont ceux qui choisissent délibérément Lunatique. Ceux-là,
s’ils sont signés, encourent une grande déception. Nous faisons les choses avec
nos petits moyens.
La distribution, c’est l’aspect
« marchand » de l’édition : vendre les livres ! Le truc qui
nous avait quelque peu échappé avant de nous lancer. Nous n’envisagions alors
que le côté créatif (et donc noble, à nos yeux de nigauds snobinards). Tout
petits, avec de nombreux primo-auteurs, nous en sommes encore à démarcher
nous-mêmes les librairies. Ce qui n’est pas plus mal, parce que, ayant passé de
longs mois à travailler sur les textes, je suis plus à même qu’un représentant
de commerce d’en parler. Mais, là encore, il ne faut pas s’illusionner :
si certains libraires nous accueillent avec sympathie et placent nos livres en
évidence, tous ne le font pas. Une éditrice avec 15 ans de métier me
racontait qu’elle s’était promenée à quatre pattes dans une grande librairie
parisienne à la recherche des ouvrages qu’elle y avait déposés quinze jours
plus tôt. Quand elle les a enfin repérés, elle n’a pas manqué de manifester sa
reconnaissance au libraire qui appréciait tant ses livres qu’il les cachait
pour, manifestement, se les garder pour lui ! Voilà le lot commun de la
petite édition. Mieux vaut avoir un moral d’acier.
Jean-François Dalle. Je ne connais pas le monde de l’édition. J’ajoute
que je ne suis pas pressé... Ce que je pressens des grands éditeurs, c’est que
la bonne marche de la trésorerie tient lieu de contenu. L’actionnaire a des
attentes. Il ne veut pas être déçu. Ses billes doivent emplir toujours plus de
sacs. Lunatique n’a aucune ambition capitalistique. Du reste, en nous appelant Lunatique,
nous savions que cela équivalait à mettre un frein à tout vrai essor de cet
ordre. « Les Belles Lettres »,
par exemple, eût été un meilleur choix. On faisait dans le velours culturel, de
celui qui appelle les fonds en rassurant les lecteurs frileux, et hop ! le
tour était joué. Non, Lunatique annonce la couleur. Et ce n’est pas la couleur de l’argent. Jamais grand
mais toujours exigeant. Non pas que nous ne voulions pas exister, mais pas à n’importe
quel prix. Sollers nous fait de l’œil ? Son manuscrit est mauvais ?
Salut Philippe, et sans rancune ! Un livre Nothomb des mains ? Tant pis, no regret.
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Des éditeurs un brin déjantés? Quelle bonne bouffée d'air frais! Vite, le 3e étage!!!
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