Nick Cave, musicien génial et écrivain peu prolifique (deux romans en
quinze ans), raconte ici l’histoire de Bunny Munro – représentant de commerce,
queutard lubrique, pervers shooté aux somnifères, mari et père défaillant – et
de sa longue descente aux enfers. Le ton est donné dès le titre, Bunny Munro va
mourir. Quand, comment, où, pourquoi, autant de questions finalement sans importance. Dans ce voyage, ce n’est pas
la destination qui compte mais seulement le voyage.
Lors de l’un de ses déplacements, alors qu’il se fait bichonner par une
pute de bas étage dans la chambre d’un hôtel miteux, Bunny reçoit un énième
appel désespéré de Libby, son épouse dépressive. Agacé, il lui conseille
d’avaler ses comprimés de Tegretol – un neuroleptique – et il coupe court à la
conversation. Au bout du rouleau, Libby met fin à ses jours. Elle laisse
derrière elle un appartement ravagé, des vêtements lacérés et un surdoué de 9 ans
qui ne décolle jamais le nez de son encyclopédie. Devenu père célibataire,
Bunny décide d’œuvrer pour l’éducation de son fils et l’embarque avec lui dans
une nouvelle tournée, histoire de lui inculquer les bases du métier de vendeur
(et ses à-côtés).
Cette version moderne et déjantée de Mort
d’un commis voyageur, d’Arthur Miller, donne l’occasion à Nick Cave de décrire,
non sans humour, la déchéance d’un homme devenu l’ombre de lui-même. Le
chanteur des Bad Seeds est aussi habile à parler poétiquement de
« l’endroit où les roses sauvages poussent », dans son magnifique duo
avec Kylie Minogue, qu’à dépeindre un dépravé et minable VRP recherchant, de
porte en porte, le réconfort des cuisses féminines. Les mots sont crus, le ton
direct, parfois cynique, mais terriblement juste.
Mort de Bunny Munro,
de Nick Cave, traduit de l’anglais par Nicolas Richard, Points, 336 pages,
7 €.
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