L’auteur
des essais La Main gauche de David Lynch
et Les Mêmes Yeux que Lost nous
propose avec Soap apocryphe un premier
roman qui nous rapproche de l’univers télévisuel qu’il aime tant décrypter. Et
fidèle au principe des séries qu’il affectionne, il s’amuse à casser les codes
de la narration « à l’ancienne », au fil de ce parcours initiatique
qu’il fait suivre à son protagoniste. Parcours psychédélico-onirique pour
lequel c’est le voyage qui compte et non la destination. Dans ce vaste Truman
Show que constitue désormais notre monde, l’auteur, avec un plaisir
communicatif, prend les enfants du bon Dieu pour des connards sauvages. Il y
met en scène un groupe d’intellos parisiens, le jeune Léon Tzinmann en tête,
qui planche sur l’exégèse d’un texte apocryphe intitulé Contre Clément. Pendant ce temps, l’ex de Léon, une starlette de
l’audiovisuel déifiée par des fans toujours plus nombreux, devient une figure
essentielle de la politique, genre gourou messianique à la Steve Job. On
retrouve dans ce livre l’esprit – il faut entendre par esprit aussi bien
l’atmosphère que l’intelligence – du Prisonnier,
de Pushing Daisies, de South Park, et la liste est loin d’être
exhaustive. Dans l’écriture, on retrouve la poésie de Vian, la fantaisie de Queneau,
l’absurdité de Ionesco. Ce patchwork, confectionné par de moins talentueux,
donnerait sans doute un résultat catastrophique, un assemblage improbable de
pièces détachées bâclé à la 6-4-2, un scrapbook qui se déliterait au moindre
souffle de page tournée. Au lieu de cela, Thiellement accomplit un petit
miracle de récit loufoque, incisif, novateur. Soap apocryphe apparaît comme un Olni (objet littéraire non
identifié), drainant dans son sillage un air frais et vivifiant.
Soap apocryphe, de Pacôme Thiellement, Inculte, 158 p., 14,90 €.
(Article paru dans Service littéraire en décembre 2012)
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