Raging Bull est un film mythique
de Martin Scorsese, dans lequel DeNiro crève l’écran pour entrer dans la
légende. Mais c’est aussi un livre que 13e Note éditions a eu la
riche idée de rééditer dans sa sublime collection « Pulse ». LaMotta
se confesse, donc, aidé par son vieux copain Peter Savage, et met les poings
sur les « i ». Par pudeur ou délicatesse, assurément, le film ne
retrace qu’une infime partie de cet itinéraire d’un enfant pas gâté du Bronx.
Mais la pudeur et la délicatesse, LaMotta les terrasse. Il nous en met plein
les dents, plein l’estomac, plein les mirettes. Il écrit comme il boxe, droit
au but, sans fioritures (la traduction de Jacques Martinache est un régal).
C’est son style, au Taureau enragé, de foncer tête baissée, de tout renverser
sur son passage. Ce qui n’empêche ni l’efficacité ni la beauté du geste. Car ce
poids moyen envoie du lourd qui fait mouche. Il balance chaque phrase comme un
uppercut et nous envoie tantôt dans les cordes, tantôt au tapis. Il ne nous
épargne rien de tous les coups qu’il a dû encaisser – des coups à l’âme – pour
devenir un jour le N° 1 mondial, pour briller de cette gloire éphémère qui
dura deux ans, deux ans seulement, et pour laquelle il a tout perdu. La Mafia
et la rue ont démoli, construit et redémoli son fils maudit. La prison et un
prêtre l’ont conduit sur les voies de la rédemption. Les larmes aux yeux et la
rage au ventre, voilà comment nous ressortons de cette lecture bouleversante où
un gros dur se met à poil pour montrer ses cicatrices. Raging Bull raconte l’histoire d’un homme qui un jour a tenu le
monde dans ses poings, non pas après avoir battu Marcel Cerdan, mais après
s’être battu toute sa vie contre lui-même et être parvenu à vaincre ses démons.
Victoire par chaos.
Raging Bull, de Jake LaMotta, traduit de l’américain par Jacques
Martinache, 13e Note éditions, « Pulse », 352 p., 10 €.
(Article paru dans Service littéraire d'avril 2013.)
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