Rechercher dans ce blog

6 février 2013

Le juste prix du livre numérique (quand on est un auteur indépendant)

Être auteur indépendant signifie tout faire soi-même dans la chaîne de création de son livre, de l'écriture à la commercialisation. Cela passe par l'établissement d'une politique tarifaire. À quel prix honnête vendre son ebook, telle est la question, puisque si l'on parle d'auteurs indépendants, on parle majoritairement de livres en version numérique. Question de simplicité et de facilité.
Une fois n'est pas coutume, nous allons nous adonner – très légèrement, promis –, dans ce blog hautement littéraire, aux mathématiques. À l'algèbre  en particulier. Mais c'est pour la bonne cause.
De quelle base partir pour établir le juste prix de son ebook ? Eh bien de ce qui existe et qui fait jusqu'à présent référence : le livre papier de l'édition traditionnelle.
L'approche la plus immédiate pour l'auteur est de se dire qu'il doit percevoir autant de droits d'auteurs en vendant un ebook qu'en vendant un livre papier, partant du principe que ce n'est pas le support de lecture qui compte, mais le texte. Lui reste le même, qu'il soit lu sur papier ou sur écran de liseuse. Il ne devient pas plus mauvais ni meilleur selon qu'on le lit en format broché ou numérique.
Le prix moyen d'un livre de 200-250 pages vendu par un éditeur traditionnel est de 20 € TTC. L'auteur perçoit ses droits sur le montant hors taxe. La TVA sur le livre papier étant de 5,5 % (à partir du 1er avril 2013), le prix HT d'un livre de 20 € TTC est donc 18,96 € (20 € - 5,5 % de 20 €). Quel pourcentage un  auteur perçoit-il sur le prix HT du livre ? Dans la plupart des cas, 8 %. Non, ce n'est pas un blague, le mec qui a sué sang et eau à écrire un livre sur lequel tout le monde va se servir au passage ne perçoit que 8 % de sa création. C'est l'auteur qui perçoit le plus faible pourcentage. Sur les 18,96 € qui servent de base, l'auteur perçoit donc 1,52 €. Waow ! Le kif ! Le pied ! L'extase. Sur un livre à 20 € en vitrine chez mon libraire de quartier, je ne touche, moi l'auteur, le type à l'origine de ce business, que 1,52 €. Trop la classe.
Soit. Puisque c'est le système et que tout le monde trouve ça normal, allons-y pour 1,52 euro. Donc je dois me débrouiller pour qu'un ebook vendu me rapporte la même somme. Alors c'est très simple. On part du prix final et on ajoute les retenues diverses appliquées sur les différents sites de vente en ligne.
Amazon laisse 70 % de royalties à l'auteur. Il faut donc diviser le précédent montant par  0,7 (70 % = 70 : 100 = 0,7). Ce qui donne 2,17 €. La TVA Amazon, dont le siège social est sis au Luxembourg, est de 3 %. Il faut incrémenter de 3 % le montant précédent.  Le prix final de l'ebook est par conséquent de 2,17 x 1,03 = environ 2,24 € TTC.
Considérons à présent l'exemple de Chapitre.com, entreprise française, qui laisse 65 % à l'auteur et qui applique une TVA de 5,5 % (à partir du 1er avril 2013). Le prix final sera donc de (1,52 : 0,65) x 1,055 = 2,47 €. C'est donc ce prix le plus élevé qu'il faut prendre en compte, car les librairies en ligne font de la veille et alignent leurs prix sur ceux de la concurrence. L'idée est donc de proposer un prix unique chez tout le monde, en se calant sur le plus haut.
En résumé, le juste prix d'un ebook de 200-250 pages équivalent papier, quand on est un auteur indépendant est d'environ 2,50 € TTC.
Ça, en fait, c'est si on trouve que le modèle qui a servi de base est juste. Le modèle qui octroie royalement 8 % du prix hors taxe du livre à l'auteur. Or, quand on a choisi d'être  un auteur indé, c'est souvent parce qu'on trouve que le système en place n'est pas juste, et que 8 % ressemblent davantage à une aumône qu'à des émoluments dignes de ce nom.
Alors qu'est-ce qui serait juste ? Raisonnablement juste, veux-je dire, parce qu'il paraît irréaliste qu'un auteur perçoive 100 % du prix de son livre. Quel pourcentage un auteur pourrait-il raisonnablement espérer sur le prix HT de son livre ? Ce lien, qui renvoie à un site gouvernemental et donc à des données fiables, indique la répartition en pourcentage des intermédiaires de la chaîne du livre. Clairement, il y aurait moyen d'épargner quelques pourcentages supplémentaires au bénéfice de l'auteur et de porter sa part à 20 %. Il percevrait dans ce cas 3,79 € par livre vendu (toujours pour un livre à 20 € TTC). Ce qui correspondrait à un prix de l'ebook de 5,58 € TTC sur Amazon et de 6,15 € sur Chapitre.com.
Le juste prix pour un ebook proposé par un auteur indépendant se situe donc probablement entre 2,50 € et 6,15 €. Personnellement, quand je propose un ebook en indé, son prix est de 3,99 €. Ce qui me place assez loin du maximum autorisé. Faudrait peut-être que je songe à m'augmenter !

15 commentaires:

  1. Corolaire fiscal!
    La perception des droits dans le cas d'auto-édition entraîne-t-elle aussi en France comme en Belgique l'assimilation au statut d'indépendant et son cortège d'obligations légales?

    RépondreSupprimer
  2. Bravo ! Excellent article ! Cependant, sans vouloir paraître pessimiste, "le juste prix" d'un ebook n'est pas d'actualité et nos "augmentations" vont devoir attendre encore ! Bonne journée. Amicalement

    RépondreSupprimer
  3. A mon avis, le risque est plutôt de tirer les prix vers le bas. Pour de se démarquer, les auto-édités qui se lancent sont parfois tentés de proposer un prix autour d'un 1€, espérant connaître une success story à l'américaine. De même, des auteurs avec une certaine renommé proposent aussi des livres dans cet ordre de prix comme John La Galite, par exemple, pour servir d'offre d'appel. Cela ne risque-t-il pas à terme d'habituer le lecteur à un juste prix d'1€? D'autant, qu'entre les promotions autour de ce prix et celles carrément gratuites, on peut lire de très bonnes choses en dépensant très peu d'argent.

    RépondreSupprimer
  4. je vais me faire insulter c'est sûr, mais ton approche quantitative n'est pas à mon avis disruptive. Fixer un prix par analogie avec le papier et les conditions économiques des uns et des autres est évidemment réaliste mais laisse de côté une variable : la valeur de l'auteur ou de son travaille. Tous les auteurs sont-ils égaux ? 3 balles pour un Marc Lévy et 2 balles pour un L Bettoni est-ce un bon salaire, pour 250 pages, pour chacun ?
    Et pourquoi ne pas vendre plus cher un L Bettoni de 100 pages qu'un Lévy de 300 pages ?
    C'est peu-être le moment de se poser ce genre de question, quand tout est encore possible. Utopique sûrement mais vachement réconfortant ;-)

    RépondreSupprimer
  5. @ Serge Concernant le fisc, pour l'instant je déclare mes royalties comme du salaire.
    @ Marie Si, soyez optimiste :-) Vous allez voir, ça va bouger pour les auteurs indé, et nous serons bientôt mieux considérés. En fait, ça commence déjà à bouger.
    @nbekblog D'accord avec vous, il ne faut pas brader. D'où l'idée de cet article. Je suis certain que peu d'auteurs indé vont jusqu'à 6,15 €.

    RépondreSupprimer
  6. @Marc-André Je suis d'accord pour vendre plus cher 100 pages de Laurent Bettoni que 300 pages de Marc Lévy :-) Mais c'est très subjectif. Beaucoup plus de gens, si j'en crois les chiffres de vente, préfèrent acheter des pages de Marc Lévy que de Laurent Bettoni. C'est pourquoi utiliser comme base le prix admis par tout le monde, qui est de 20 € TTC pour un livre de taille standard, me paraît être assez cohérent.

    RépondreSupprimer
  7. La cote des peintres n'est pas subjective, celle des acteurs et des réalisateurs non plus, idem pour les interprètes de musique, alors pourquoi les auteurs seraient-ils absent du "marché de l'art" ? Pourquoi le prix d'un livre et pas celui d'un auteur ?
    Mais bon je n'insiste pas car tout n'est pas très clair.


    RépondreSupprimer
  8. L'idée est intéressante, voire séduisante. Mais pour les acteurs et les peintres, ce n'est pas le grand public qui les paye. On paye juste sa place de cinéma (au même prix, quel que soit le film et les acteurs) ou son entrée au musée.
    En littérature, s'il fallait rémunérer les auteurs en fonction d'une cote, qui établirait cette cote et qui rétribuerait l'auteur ?

    RépondreSupprimer
  9. Belle démonstration, vous savez que c'est finalement le prix d'un livre au format de poche :-)

    RépondreSupprimer
  10. @Aldus
    En effet, c'est pourquoi je me maintiens dans la fourchette basse de 3,99 euros. Un poche se situe plutôt autour de 6-7 euros :-)

    RépondreSupprimer
  11. Aux Etats-Unis également, cet intéressant débat en décembre dernier:
    http://aldus2006.typepad.fr/mon_weblog/2012/12/etats-unis-le-prix-du-livre-num%C3%A9rique-en-d%C3%A9bat.html

    RépondreSupprimer
  12. Si je peux me permettre de prendre la défense des éditeurs papier (ouh là, je vais me faire taper dessus), ils prennent de sacrés risques en publiant des auteurs inconnus et ont tout un personnel à payer pour faire tourner les rouages de la machine. En outre, ils ont la possibilité de faire 100 fois plus de publicité pour un livre, ce qui est quand même au bénéfice de l'auteur.

    C'est souvent une poignée d'auteurs à succès qui fait vivre la maison d'édition et qui lui permet justement de prendre ces risques avec des auteurs inconnus - dont une bonne partie restera inconnue, il faut le concéder. Si ce système n'existait pas, nous n’aurions que des auteurs établis à nous mettre sous la dent et nos prix Goncourt tourneraient en rond. C'est un système de soutien collectif qui à mon sens n'est pas à jeter à la poubelle avec le reste des poissons frits, il permet de donner sa chance à des nouveaux auteurs.

    Si le livre numérique nous a permis d'avoir une certaine visibilité sur la toile (arrachée quand même à la sueur de notre front), il ne faut pas non plus jeter la pierre à tous les éditeurs papier alors que beaucoup ont un véritable amour du livre et se démènent comme des diables.

    8% en droits d'auteur, il est vrai que cela peut faire ridicule, mais eux se débattent avec les financiers, les imprimeurs, le personnel, la pub, etc. pour faire vivre nos bébés. Je ne veux pas dire que ce sont tous des gentils, car je vois bien que les contrats sont parfois modifiés en cours de route pour ne pas avoir à payer les droits d'auteurs émanant d'une publication dérivée (c’est du vécu), ou pour s'octroyer tous les droits de reproduction "de toute nature existant à ce jour ou non". Néanmoins ne diabolisons pas les éditeurs papier en faisant des généralités. C'est comme partout, il y a de bonnes personnes et il y a des filous. Pour ma part, je ne cracherais pas dans la soupe si un éditeur, sérieux et honnête, venait à passer par là et me proposait une version papier d’un de mes ebooks. D’autant que je n’ai pas un temps infini à consacrer à ma pub et que ce n’est franchement pas ce que je préfère.

    La publication en numérique est en train de changer beaucoup de choses, mais nous pouvons jouer en partenariat, ce ne pourra que renforcer nos légitimités respectives. C’est en tout cas ce que je pense.

    RépondreSupprimer
  13. Je viens de me décider à démarrer dans la lecture numérique et je suis sidéré par les prix qui semblent devoir partager avec les éditions papier les coûts de fonctionnement des maisons d'édition.

    Pour les indés je crois que le problème du prix c'est la "confiance" du lecteur dans l’auteur/l'œuvre - "je ne vous connais pas pourquoi irais-je payer un prix pareil (6€ par ex) " . Une solution serait un prix progressif , vous divisez le bouquin en 3 tomes d'un nombre de pages égal et vous faites un modèle de prix du genre 1€-2€-3€ (0.5,1,1.5, ... ) et un prix d'ensemble un peu moins cher ; si après le tome 1 je n'accroche pas je laisse tomber, etc, ...

    Existe-t-il des contrats "numeric only" où les auteurs toucheraient un peu plus que les 8% ?

    RépondreSupprimer
  14. Je vous applaudis pour la perspicacité de votre réflexion, il est vrai que pour un auteur indépendant, le choix n'est pas facile..je vous propose également de découvrir mon article qui revient sur le juste prix du livre numérique, peut-être que cela vous intéressera: http://christophelucius.fr/post/97737452276/livres-numeriques-quel-est-le-juste-prix

    RépondreSupprimer
  15. Christophe, merci pour cet échange :-)

    RépondreSupprimer

Vos commentaires sont les bienvenus.