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6 avril 2015

Retour sur le Salon du livre 2015 [2] : et si on s'intéressait aux auteurs ?




Le contrat d'auteur : une proposition qu'on ne peut pas refuser ?
Cette année, au Salon du livre, j'ai eu la chance et le plaisir d'intervenir à deux tables rondes très intéressantes qui avaient pour sujet la place de l'auteur dans l'univers de l'édition. La première était organisée par la  Société des gens de lettres et avait pour titre « Autoédition pour quoi faire ? » ; la seconde, organisée par le Salon du livre, s'intitulait « Les auteurs écrivent l'avenir du livre ».
Ces débats ont permis, dans un premier temps, de dresser un états des lieux. Et de montrer à quel point la situation des auteurs n'était pas toujours des plus brillantes.
À commencer par les contrats :
- cession des droits d'auteur jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur ;
- pourcentage compris entre 5 et 8 % du prix hors taxe du livre, ce qui laisse royalement à l'auteur environ 1,50 € en poche par livre vendu ;
- pourcentages identiques sur le livre électronique (ce qui laisse encore moins à l'auteur), dont le prix hors taxe est inférieur à celui du papier et dont les coûts de fabrication et de gestion sont moindres ;
- à-valoir en forte baisse, voire à « rembourser » sur les livres futurs, si les ventes du précédent n'ont pas suffi à les couvrir ;
- paiement et reddition des comptes une fois par an ;
- cession des droits d'adaptation audiovisuelle dans des proportions pas toujours équitables.
Avec de tels contrats, le créateur de l'oeuvre – c'est-à-dire celui qui fait fonctionner le système – est donc celui qui est le moins payé, et de très loin. Il faut bien reconnaître que la signature d'un contrat d'auteur ressemble parfois à une proposition qu'on ne peut pas refuser.

Les contrats d'auteurs au centre de nombreux débats au Salon du livre de Paris 2015.
Ils apparaissent souvent comme des propositions qu'on ne peut pas refuser.

Être publié : une faveur que l'éditeur accorde à l'auteur
Par ailleurs, tous les auteurs ne sont pas traités de la même manière au sein d'une même maison d'édition, ce qui ajoute à la fragilisation et à la situation de précarité du plus grand nombre. D'un côté, il y a les stars, et c'est tant mieux, car ça génère des ventes qui font rentrer de l'argent dans les caisses. De l'autre, il y a les auteurs lambda, qui représentent 99,99 % des auteurs.
Puisque les auteurs stars vendent beaucoup, ils ont des a-valoir et des pourcentages en conséquence – voire des agents qui les négocient pour eux – ainsi qu'une promotion XXL (télé, radio, presse écrite, 4x3 dans le métro, etc.). Tout ça est normal, pas de problème, il est essentiel que l'industrie du livre vende des livres.
Puisque les auteurs lambda ne vendent pas beaucoup, ils ont des contrats dont les conditions ont été précisées plus haut et zéro promotion. C'est là que le bât blesse. Car à ce régime, il leur est quasi impossible d'accroître leur visibilité. On pourrait penser qu'une partie de l'argent généré par les auteurs stars servirait à la promotion d'auteurs méconnus pour leur permettre à eux aussi de rencontrer leur lectorat. Eh bien non. La promotion, pour les lambda, se borne bien souvent à l'envoi de services de presse par l'attaché de presse aux journalistes et chroniqueurs. Services de presse qu'on retrouve en grande partie dès le lendemain en vente sur eBay ou sur la marketplace d'Amazon. Et l'on répond toujours la même chose aux lambda : les journalistes ne s'intéressent qu'aux people, il est impossible pour un auteur inconnu de décrocher une télé, une radio ou un journal de la presse nationale. Idem chez les libraires, qui ne gardent les livres en rayonnage que deux semaines quand ils ne se vendent pas, qui privilégient donc les stars, les best-sellers et les grandes maisons d'édition.
Alors pour quelle raison la plupart des lambda rêvent-ils encore d'être publiés ? Parce qu'ils veulent exister en tant qu'auteurs et que, dans l'esprit des lecteurs, des journalistes, des critiques, des chroniqueurs, un auteur, c'est celui qui appartient à une grande maison d'édition. Oui, j'ai bien dit « appartient ». Il existe bel et bien, encore trop souvent, un rapport de féodalité entre un éditeur et un auteur. N'oublions pas qu'une récente ministre de la Culture a clamé haut et fort que c'était l'éditeur qui faisait la littérature, vous voyez d'où on part.
Bref, ce rapport penche exceptionnellement en faveur de l'auteur, lorsqu'il est star, et presque toujours en sa défaveur, lorsqu'il est lambda.
L'édition française, encore trop souvent : l'auteur prête allégeance à l'éditeur, qui lui accorde la faveur de le publier.


Quelles solutions pour la survie de l'auteur ?
Un tel déséquilibre dans les rapports entre éditeurs et auteurs place ces derniers dans une position intenable, celle de l'éternel perdant. Combien d'auteurs se sont vu « virés » de leurs maisons d'édition parce que leur ventes ne couvraient même pas les a-valoir qu'ils avaient perçus et qu'on leur reprochait donc implicitement d'avoir fait perdre de l'argent à la maison ? Pour achever définitivement un écrivain qui doute déjà suffisamment de lui, il n'y a pas mieux que ce procédé d'une violence extrême.
Il n'existe pas de statut d'intermittent pour les auteurs, la quasi totalité d'entre eux exercent un métier à côté pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Pourtant, il s'accrochent désespérément à l'écriture, car c'est elle qui les nourrit intellectuellement.
Alors de quelle manière peuvent-ils prendre leur avenir en main ? De quelle manière peuvent-ils faire valoir leurs droits et entendre leur voix ? Cette question a été largement débattue, au cours des deux tables rondes dont je rends compte ici.
Une première initiative consiste à se fédérer. L'union fait la force, dit-on. En ce sens, nous avons assisté à une première, au Salon du livre de Paris, avec la marche des auteurs, qui ont exprimé leurs craintes et alerté sur la précarité de leur situation. J'espère qu'il s'agit là de l'aube d'une ère nouvelle. L'isolement et peut-être aussi l'égoïsme et la paresse ont coûté très cher aux auteurs, jusqu'à présent. Il n'y a qu'à voir de quelle manière la guilde des scénaristes, très organisée et très soudée, a mis Hollywood à genoux, il n'y a pas si longtemps. Sans créateurs, pas de création, c'est aussi simple que ça.

D'autre part, de nouvelles maisons d'édition émergent, avec à leur tête des éditeurs qui portent une nouvelle vision sur le métier et qui replacent véritablement l'auteur et le lecteur au centre de l'univers du livre. Les auteurs auraient sûrement intérêt à prendre contact avec ces éditeurs nouvelle génération.
Je vais prêcher pour ma paroisse et parler de La Bourdonnaye, chez qui je suis directeur éditorial, mais je peux également citer e-fractions (dirigée par Franck-Olivier Lafferère), qui se situe dans la même mouvance.
Chez La Bourdonnaye, les auteurs perçoivent 25 % du prix hors taxe du prix du livre électronique et 15 % du prix hors taxe du livre papier. Et ce, dès le premier livre vendu. Les auteurs sont payés   et reçoivent leur reddition de comptes tous les trimestres. Et ils ne cèdent leurs droits que pour 10 ans. Nous n'avons pas encore les moyens de leur verser des à-valoir, mais ça ne saurait tarder. Et cette absence d'à-valoir est compensée par les versements trimestriels de leurs droits. Nous pratiquons également une véritable politique de promotion du livre numérique, avec un prix usuel de 6,99 €. Pour le prix d'un poche, les lecteurs peuvent ainsi lire sur tous les supports à leur disposition aux différents moment de la  journée : liseuse, smartphone, tablette, ordinateur. Et grâce à ces prix incitatifs pour les lecteurs, les auteurs ont donc la possibilité de toucher leur public.
Enfin, nous axons notre communication directement auprès des prescripteurs que sont les blogueurs, les Web chroniqueurs et les lecteurs ; les principaux intéressés, en somme. C'est probablement plus long qui si nous obtenions une télé pour chacun de nos auteurs, mais c'est plus durable et plus solide, puisque ce sont les lecteurs qui choisissent eux-mêmes.

L'autopublication peut parfois être un grand bol d'air pour certains auteurs. 
Le numérique nous a inévitablement conduits à évoquer l'autopublication, autour des deux tables rondes. Je précise immédiatement que je ne me pose ni en prosélyte ni en chantre de l'autopublicaion, et que je n'oppose pas ce mode d'édition à l'édition traditionnelle. Les deux peuvent avoir du bon et du mauvais. Je n'oppose pas non plus le livre électronique au livre papier.
Il est simplement ressorti des débats que l'autopublication, via le numérique (c'est également possible en papier, mais l'absence de diffusion en librairie est un gros frein), peut apporter une solution intéressante à bon nombres d'auteurs :
- ceux qui ne trouvent pas d'éditeur mais qui veulent trouver leur lectorat malgré tout (il arrive d'ailleurs que certains d'entre eux, qui connaissent des succès, se fassent ensuite contacter par des éditeurs) ;
- ceux qui ne veulent pas passer par l'édition traditionnelle ;
- ceux qui ont des contrats d'édition pour le papier mais qui n'ont pas d'avenants pour le numérique et qui veulent exploiter leurs œuvres sous  ce format.

On pourrait même envisager un mix pour certains auteurs qui auraient un éditeur pour le papier mais qui conserveraient leurs droits numériques et qui les exploiteraient seuls. Dans la mesure où si peu d'éditeurs, pour l'instant, ont réellement l'intention de  promouvoir le numérique, pourquoi priver les auteurs d'une telle opportunité d'augmenter leurs revenus ?
Les moyens d'être davantage maîtres de leur parcours pour les écrivains, ou de rééquilibrer le rapport de force avec les éditeurs, ne sont donc pas nuls, mais ils exigent un effort de regroupement, d'unification et une volonté de se prendre en charge qui font probablement encore défaut dans nos rangs, à l'heure où j'écris ces lignes.
Il me semble néanmoins que les lignes bougent et que, de plus en plus, nous prenons conscience que :



  

28 mars 2015

Retour sur le Salon du livre 2015 [1] : Pas d'auteurs, pas de livres



Première historique chez les auteurs
Le 22 octobre 2014, j'ai eu le plaisir de participer à une table ronde, à la Société des gens de lettres (SGDL), dans le cadre de deux journées de débats ayant pour thème générique « La rémunération des auteurs ». Lors de son discours de clôture, Vincent Monadé (président du Comité national du livre) a exhorté les auteurs à s'unir pour prendre leur situation en main et l'améliorer. Il est vrai que, d'une manière générale, nous n'avons pas l'habitude de nous fédérer.
Mais voilà, trop c'est trop. Et nous avons assisté à un événement historique, le 23 mars 2015. Pour la première fois, au Salon du livre de Paris, derrière le Conseil permanent des écrivains (CPE), dont la SGDL fait partie, les auteurs ont marché d'un même pas pour se faire entendre d'une même voix.
Dans le plus grand respect des visiteurs et des exposants, et en scandant des « pas d'auteurs, pas de livres », à qui voulait bien entendre, plusieurs centaines d'entre nous  avons sillonné les allées jusqu'à la Scène des auteurs, où nous avons pu nous exprimer, à travers le discours que Valentine Goby, présidente du CPE, a lu.

Les raisons de la colère
On manifeste rarement par plaisir. Quand on en est là, c'est qu'on y a été acculé. Alors qu'est-ce qui a  poussé des gens d'ordinaire timides et posés à sortir de leur réserve de manière aussi spectaculaire ?
Réponse : les conditions inacceptables dans lesquelles nous travaillons. Le (vilain) mot est lâché. L'écriture est un travail. Régi par un contrat du même nom, donc, mais qui s'appelle, parce que ça fait plus chic, contrat d'auteur. Que dit-il, ce contrat, qui nous mette à ce point en colère ?
1/ Que nous devons céder nos droits à vie et même au-delà : 70 ans après notre mort.
2/ Qu'en échange de ce dépouillement de nos droits d'auteur, nous percevons royalement, en  moyenne, 5 % par livre vendu (calculés sur le prix hors taxe), c'est-à-dire environ 1 €. 
3/ Que nous percevons ces droits d'auteur une fois par an.
4/ Qu'en attendant nous percevons des à-valoir, 3 000 € en moyenne, aujourd'hui. Donc pas de quoi tenir le coup bien longtemps. Là encore, en ce qui me concerne, je suis un peu mieux loti.
5/ Que la plupart d'entre nous, en corollaire, sommes obligés d'exercer un autre métier pour joindre les deux bouts. A-t-on déjà vu un comédien employé de banque, par exemple ? Eh bien, je connais des auteurs employés de banque ou manutentionnaires. Pratique de se consacrer à son art dans de telles conditions, n'est-ce pas ? Il n'existe pas de statut d'intermittent pour les auteurs.
6/ Que nous percevons les mêmes pourcentages sur les livres numériques (donc encore moins de 1 € par livre), dont les prix sont inférieurs à ceux des livres papier mais dont la fabrication coûte beaucoup, beaucoup moins cher.
7/ Que nous cédons nos droits d'adaptation audiovisuelle. Là, il peut se produire tout et n'importe quoi. Un éditeur m'a proposé 30 % (70 % pour lui), si mon livre était adapté. j'ai refusé, pour finalement accepter à 50-50.

Les auteurs, en danger grandissant, se font entendre au Salon du livre de Paris 2015.
Photo : © Laurence Houot/Culturebox/France Télévisions

S'ajoute à cela, la décision irréfléchie et irresponsable de Bruxelles de vouloir passer la TVA sur le livre numérique de 5,5 % à 20 %, tuant définitivement dans l'œuf ce support de lecture qui peine déjà suffisamment à susciter l'engouement qu'il mérite en France. Nous n'en serions probablement pas là si les éditeurs français les plus influents, ceux-là même qui crient au scandale à présent devant la décision de Bruxelles, avaient mieux défendu le numérique au lieu de le vouer superstitieusement aux Gémonies, et s'ils l'avaient réellement promu.
Pour clouer le cercueil, la réforme du Raap (le régime de retraite complémentaire des artistes auteurs) envisage de passer d'une cotisation de classe à une cotisation de 8 %  pour tout le monde, ce qui n'est simplement pas tenable… pour tout le monde.

Les lecteurs
Beaucoup de visiteurs du Salon ont été surpris, choqués, voire scandalisés par notre démarche, et aucun, sur l'instant, n'a repris le slogan avec nous. Beaucoup ont même condamné notre action. Dans l'esprit du grand public, un artiste, un créateur, un auteur n'est pas un travailleur. Il n'a pas besoin d'argent, son art seul le nourrit, et il devrait déjà s'estimer heureux d'être un artiste. Il reste donc encore beaucoup de pédagogie à faire, en la matière, et le temps du rapprochement avec l'autre maillon essentiel de la chaîne du livre – le lecteur – est peut-être venu.
Dans l'après-midi de ce 23 mars 2015 ainsi que dans les deux jours qui ont suivi, puis ensuite sur les réseaux sociaux dans lesquels j'ai posté, beaucoup de lecteurs m'ont demandé ce qui s'était passé et ont adhéré ou ont liké, après que je leur ai exposé la situation. Les lecteurs sont nos premier alliés si nous leur parlons.

Pour apporter votre soutien
Cette marche des auteurs a été précédée par la mise à disposition d'une lettre ouverte « à tous ceux qui oublient qu'il faut des auteurs pour faire des livres ». Plus de 1 800 auteurs l'ont déjà signée à l'heure où j'écris ces lignes. D'autres, que nous avons croisés sur notre parcours et qui étaient en signature sur les stands de leur maison d'édition, nous ont dit qu'il la signeraient au plus tôt.
Je vous invite à la signer à votre tour, tant que le lien est encore actif. Vous avez simplement à mentionner « auteur, je signe » à l'adresse suivante :

Les auteurs et les lecteurs sont les maillons essentiels de la chaîne du livre. Salon du livre de Paris 2015.

24 janvier 2015

In mémoriam : un professeur de la République

Mme Audoubert, professeur de français au collège Jean-Jaurès,
devenu collège  Danielle-Casanova, de Vitry-sur-Seine.


C'était mieux avant
Ça ne m'arrivera pas souvent. Peut-être plus jamais. Mais je vais jouer un peu au vieux con, sur l'air du "c'était mieux avant". J'assume. Quoi qu'il en soit, je me souviens du temps ou des profs d'établissements publics avaient leur mission chevillée au corps et où ça marchait mieux qu'aujourd'hui. Pour tout le monde.
Je me souviens, pour l'occasion, de l'une d'entre elle, que j'ai eu de la 6e à la 3e, que j'ai revue en plusieurs occasions, par la suite,  jusqu'à récemment, et qui vient de nous quitter.
Je retranscris ici le post Facebook que j'ai rédigé le jour où j'ai appris cette triste nouvelle. Et je ne peux m'empêcher de me demander ce que la République à fait de ses profs, de ces profs-là, espèce en voie de disparition, en retour de leurs bons et loyaux services.

Hommage
Bon, je sais bien que ça ne va pas intéresser mes amis FB ou connectés, puisqu'aucun d'entre eux ne la connaissait, hormis Anne Gomis, Nathalie Rault et Nathalie Fomperine, avec qui j'étais au collège. Mais nom de Dieu, j'ai les boules et une furieuse envie de verser toutes les larmes de mon corps. Magnifique enseignante de l'école de la République, aussi à l'aise en français, qu'en histoire-géo, qu'en latin, qu'en grec. Une intelligence rare, une modestie encore plus rare, avec ça. Et une humanité (sans mauvais jeu de mot, madame, rapport au journal que vous lisiez)…
Un des profs qui m'ont marqué à vie, qui m'ont fait adorer l'école, grâce à laquelle j'ai pu me sortir de ma condition de "fils d'ouvrier", comme on disait ; une des profs qui m'ont appris à réfléchir, qui m'ont donné envie de lire, d'écrire et de ne jamais prendre pour argent comptant ce qu'on me disait mais de toujours développer mon esprit critique pour tout, y compris pour ce qu'elle me disait. "Ne sois pas systématiquement d'accord avec moi, me répétait-elle, conteste, argumente, contredis, forge-toi ton opinion…"
Je peux dire que je l'ai écouté, ce conseil, comme tant d'autres que vous m'avez donné, à moi et à mes potes musulmans, juifs et catho, à l'époque pas si lointaine où on pouvait encore tous vivre ensemble et rire de tout ensemble, dans cette grande école de le République que vous avez grandement servie et enrichie par votre talent, votre intelligence et votre cœur.
Si je dis "putain, fait chier", vous m'engueulerez pas, cette fois ? Et voilà que je chiale sur mon clavier en pensant à vous…
Merci, madame, pour tout, du fond du cœur. J'essaierai d'être là, mercredi prochain. Je vous embrasse et espère vous avoir rendu une copie potable.
Votre éternel élève reconnaissant. 

17 janvier 2015

Rien n'interdit

Rien n'interdit, une chanson écrite suite aux attentats contre Charlie Hebdo.

Parce que je comprends les présences policières et militaires dans les rues de Paris, mais que j'en suis attristé, parce que je ne comprends pas que depuis que le monde est monde il soit en guerre pour des questions de religion, parce que les inégalités croissantes créent toujours plus de dérives idéologiques et religieuses, parce qu'il ne faut pas oublier le bel élan citoyen du 11 janvier 2015 et qu'une action doit à présent s'inscrire dans la durée, parce que je suis auteur et qu'aux armes je ne peux opposer que mes mots, et parce que mon ami est compositeur et qu'aux cris de haine il oppose ses notes, je vous présente cette chanson, Rien n'interdit, que nous avons écrite ensemble et dont je retranscris le texte.



RIEN N’INTERDIT

C’est interdit de vivre,
De rire ensemble.
C’est interdit de vivre.
C’est interdit de voir
Qu’on se ressemble.
Oh, ça empêche de voir,

Les yeux toujours fermés, les cœurs toujours de pierre,
Toutes ces prisons, toutes ces barrières,
Qui enterrent la lumière.

Interdit d’aimer
Les différences.
Ça interdit d’aimer,
Les yeux fermés, les cœurs de pierre,
Les idées et les croyances
Comme des barbelés sur une terre
En souffrance.

Rien n’interdit de vivre,
De rire ensemble.
Rien n’interdit de vivre.
Rien n’interdit de voir
Qu’on se ressemble.
Rien n’interdit l’espoir.

© Paroles : Laurent Bettoni/Musique : Éric Miller

10 janvier 2015

Extrémisme et communautarisme : les graines de la haine

Qu'est-ce qui pousse les hommes à se haïr ? L'extrémisme et le communautarisme, entre autres.
Le choc Charlie Hebdo
Comme beaucoup, je reste encore sous le choc de l'attentat qui s'est perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo, le 7 janvier dernier, et de l'horreur qui s'en est suivie. Le parcours aura été sanglant de bout en bout, et il ne pouvait en être autrement.
Je suis né en 1968 et j'ai été biberonné à Hara-Kiri, à Charlie Hebdo, à Fluide glacial, à l'humour bête (mais pas tant) et méchant (mais pas tant) de Choron, Cavanna, Reiser, Wolinski, Cabu, Kamagurka et les autres.
Alors forcément, ce qui s'est passé me plonge dans une tristesse infinie, j'ai le sentiment que c'est ma jeunesse qu'on a fusillée, mon adolescence, un bout de mon histoire, une partie de moi-même.

La Marche républicaine
Participerai-je pour autant à la Marche républicaine du 11 janvier, en la mémoire des dessinateurs et des autres morts de cette tragédie ?
Je n'ai pas encore la réponse définitive à cette question, mais je penche pour le non. Mon fils de 16 ans, à qui j'ai fait découvrir cette bande-là, cet état d'esprit-là, ne comprend pas mes réserves, lui qui a déjà organisé sa marche avec ses potes du lycée.
Je ne doute pas que la plupart des citoyens qui marcheront demain le feront dans un élan spontané de compassion et de solidarité, dans le but de défendre la démocratie et la liberté d'expression. Pour cela, j'aimerais moi aussi céder à la spontanéité.

La récupération politique
Mais le battage et la récupération politique autour de cet événement me donnent la nausée. Je ne suis pas certain que ceux de Charlie auraient apprécié d'être utilisés de la sorte pour redorer le blason des partis politiques. Bien sûr, si j'y allais, ce serait dans l'esprit de marcher, non pas aux côtés de politiciens, mais de mes semblables, les citoyens, les hommes, les vrais gens de la vraie vie, dans un même mouvement du cœur, de partage, de communion.
J'ai bien dit « mes semblables les hommes », pas « mes semblables les Français » ni mes semblables « les catholiques », ni « mes semblables les musulmans », ni « mes semblables les juifs ». Bon, O.K., je suis athée pratiquant. Bref, je ne raisonne pas en fonction d'une appartenance quelconque, qu'elle soit nationale ou religieuse. Je ne suis rien d'autre qu'un homme, au sens d'être humain, un Terrien. J'habite sur une planète, la Terre, dans une région géographique politiquement délimitée qu'on appelle la France. J'ignore ce qu'est un pays, je ne revendique aucune possession en ce sens. Il se trouve juste que par un hasard biologique, génétique, je suis né quelque part (sacré Maxime !) et que j'y vis encore. Mais ce territoire arbitrairement délimité ne m'appartient pas plus qu'à quiconque qui serait né ailleurs. D'autre part, je ne me réclame d'aucune religion ni ne ressens aucune affinité pour l'une ou l'autre. Pour moi, il n'y en pas une qui soit meilleure ni pire que l'autre, et je respect de la même manière toutes les croyances.

Les graines de la haine
C'est parce que, depuis toujours, les politiciens, ceux-là même qui défileront le 11 janvier, utilisent l'idée d'appartenance, à un pays ou à une confession, que nous en sommes arrivés à des drames comme celui du 11 Septembre et de Charlie Hebdo.
C'est parce qu'il résulte de telles idées d'appartenance une notion d'intégration, de groupes, de clans, que nous en sommes là aujourd'hui. Or, non, il n'existe pas de nationalité ou de religion meilleure qu'une autre.
Cet outil de discrimination n'est pas le seul. On peut citer la discrimination par l'argent, la discrimination par le travail, la discrimination par les réseaux, la discrimination par la naissance.
Tout cela a conduit depuis des années et des années à creuser le fossé entre les privilégiés toujours plus privilégiés et les autres, les laissés pour compte, toujours plus nombreux. Voilà le berceau de l'extrémisme et du communautarisme, voilà le lit qu'ont creusé les politiciens de tous bords. Voilà ce qui aboutit à ce que nous avons vécu ces derniers jours.
Pas besoin d'une marche républicaine trop tardive et trop orchestrée pour comprendre que la solution réside dans le respect de l'autre, dans l'ouverture à l'autre et dans le partage. Cela passe par l'éducation, par l'école de la République, par le dialogue, par la pédagogie. Et ça, j'ai déjà le sentiment de le faire au quotidien. Ce sujet me tient tellement à cœur que je lui ai consacré un roman, paru dernièrement. J'aimerais l'offrir à tous les politiciens et à tous les médias, tous ceux qui défileront demain. Mais ils sont tous bien trop occupés à buzzer sur Houellebecq et Zemmour, histoire de jeter encore un peu plus d'huile sur le feu.
C'est qu'ils me feraient presque éprouver de la haine à moi aussi, ces cons-là. Ils sont forts… Et tellement illégitimes.