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24 janvier 2015

In mémoriam : un professeur de la République

Mme Audoubert, professeur de français au collège Jean-Jaurès,
devenu collège  Danielle-Casanova, de Vitry-sur-Seine.


C'était mieux avant
Ça ne m'arrivera pas souvent. Peut-être plus jamais. Mais je vais jouer un peu au vieux con, sur l'air du "c'était mieux avant". J'assume. Quoi qu'il en soit, je me souviens du temps ou des profs d'établissements publics avaient leur mission chevillée au corps et où ça marchait mieux qu'aujourd'hui. Pour tout le monde.
Je me souviens, pour l'occasion, de l'une d'entre elle, que j'ai eu de la 6e à la 3e, que j'ai revue en plusieurs occasions, par la suite,  jusqu'à récemment, et qui vient de nous quitter.
Je retranscris ici le post Facebook que j'ai rédigé le jour où j'ai appris cette triste nouvelle. Et je ne peux m'empêcher de me demander ce que la République à fait de ses profs, de ces profs-là, espèce en voie de disparition, en retour de leurs bons et loyaux services.

Hommage
Bon, je sais bien que ça ne va pas intéresser mes amis FB ou connectés, puisqu'aucun d'entre eux ne la connaissait, hormis Anne Gomis, Nathalie Rault et Nathalie Fomperine, avec qui j'étais au collège. Mais nom de Dieu, j'ai les boules et une furieuse envie de verser toutes les larmes de mon corps. Magnifique enseignante de l'école de la République, aussi à l'aise en français, qu'en histoire-géo, qu'en latin, qu'en grec. Une intelligence rare, une modestie encore plus rare, avec ça. Et une humanité (sans mauvais jeu de mot, madame, rapport au journal que vous lisiez)…
Un des profs qui m'ont marqué à vie, qui m'ont fait adorer l'école, grâce à laquelle j'ai pu me sortir de ma condition de "fils d'ouvrier", comme on disait ; une des profs qui m'ont appris à réfléchir, qui m'ont donné envie de lire, d'écrire et de ne jamais prendre pour argent comptant ce qu'on me disait mais de toujours développer mon esprit critique pour tout, y compris pour ce qu'elle me disait. "Ne sois pas systématiquement d'accord avec moi, me répétait-elle, conteste, argumente, contredis, forge-toi ton opinion…"
Je peux dire que je l'ai écouté, ce conseil, comme tant d'autres que vous m'avez donné, à moi et à mes potes musulmans, juifs et catho, à l'époque pas si lointaine où on pouvait encore tous vivre ensemble et rire de tout ensemble, dans cette grande école de le République que vous avez grandement servie et enrichie par votre talent, votre intelligence et votre cœur.
Si je dis "putain, fait chier", vous m'engueulerez pas, cette fois ? Et voilà que je chiale sur mon clavier en pensant à vous…
Merci, madame, pour tout, du fond du cœur. J'essaierai d'être là, mercredi prochain. Je vous embrasse et espère vous avoir rendu une copie potable.
Votre éternel élève reconnaissant. 

17 janvier 2015

Rien n'interdit

Rien n'interdit, une chanson écrite suite aux attentats contre Charlie Hebdo.

Parce que je comprends les présences policières et militaires dans les rues de Paris, mais que j'en suis attristé, parce que je ne comprends pas que depuis que le monde est monde il soit en guerre pour des questions de religion, parce que les inégalités croissantes créent toujours plus de dérives idéologiques et religieuses, parce qu'il ne faut pas oublier le bel élan citoyen du 11 janvier 2015 et qu'une action doit à présent s'inscrire dans la durée, parce que je suis auteur et qu'aux armes je ne peux opposer que mes mots, et parce que mon ami est compositeur et qu'aux cris de haine il oppose ses notes, je vous présente cette chanson, Rien n'interdit, que nous avons écrite ensemble et dont je retranscris le texte.



RIEN N’INTERDIT

C’est interdit de vivre,
De rire ensemble.
C’est interdit de vivre.
C’est interdit de voir
Qu’on se ressemble.
Oh, ça empêche de voir,

Les yeux toujours fermés, les cœurs toujours de pierre,
Toutes ces prisons, toutes ces barrières,
Qui enterrent la lumière.

Interdit d’aimer
Les différences.
Ça interdit d’aimer,
Les yeux fermés, les cœurs de pierre,
Les idées et les croyances
Comme des barbelés sur une terre
En souffrance.

Rien n’interdit de vivre,
De rire ensemble.
Rien n’interdit de vivre.
Rien n’interdit de voir
Qu’on se ressemble.
Rien n’interdit l’espoir.

© Paroles : Laurent Bettoni/Musique : Éric Miller

10 janvier 2015

Extrémisme et communautarisme : les graines de la haine

Qu'est-ce qui pousse les hommes à se haïr ? L'extrémisme et le communautarisme, entre autres.
Le choc Charlie Hebdo
Comme beaucoup, je reste encore sous le choc de l'attentat qui s'est perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo, le 7 janvier dernier, et de l'horreur qui s'en est suivie. Le parcours aura été sanglant de bout en bout, et il ne pouvait en être autrement.
Je suis né en 1968 et j'ai été biberonné à Hara-Kiri, à Charlie Hebdo, à Fluide glacial, à l'humour bête (mais pas tant) et méchant (mais pas tant) de Choron, Cavanna, Reiser, Wolinski, Cabu, Kamagurka et les autres.
Alors forcément, ce qui s'est passé me plonge dans une tristesse infinie, j'ai le sentiment que c'est ma jeunesse qu'on a fusillée, mon adolescence, un bout de mon histoire, une partie de moi-même.

La Marche républicaine
Participerai-je pour autant à la Marche républicaine du 11 janvier, en la mémoire des dessinateurs et des autres morts de cette tragédie ?
Je n'ai pas encore la réponse définitive à cette question, mais je penche pour le non. Mon fils de 16 ans, à qui j'ai fait découvrir cette bande-là, cet état d'esprit-là, ne comprend pas mes réserves, lui qui a déjà organisé sa marche avec ses potes du lycée.
Je ne doute pas que la plupart des citoyens qui marcheront demain le feront dans un élan spontané de compassion et de solidarité, dans le but de défendre la démocratie et la liberté d'expression. Pour cela, j'aimerais moi aussi céder à la spontanéité.

La récupération politique
Mais le battage et la récupération politique autour de cet événement me donnent la nausée. Je ne suis pas certain que ceux de Charlie auraient apprécié d'être utilisés de la sorte pour redorer le blason des partis politiques. Bien sûr, si j'y allais, ce serait dans l'esprit de marcher, non pas aux côtés de politiciens, mais de mes semblables, les citoyens, les hommes, les vrais gens de la vraie vie, dans un même mouvement du cœur, de partage, de communion.
J'ai bien dit « mes semblables les hommes », pas « mes semblables les Français » ni mes semblables « les catholiques », ni « mes semblables les musulmans », ni « mes semblables les juifs ». Bon, O.K., je suis athée pratiquant. Bref, je ne raisonne pas en fonction d'une appartenance quelconque, qu'elle soit nationale ou religieuse. Je ne suis rien d'autre qu'un homme, au sens d'être humain, un Terrien. J'habite sur une planète, la Terre, dans une région géographique politiquement délimitée qu'on appelle la France. J'ignore ce qu'est un pays, je ne revendique aucune possession en ce sens. Il se trouve juste que par un hasard biologique, génétique, je suis né quelque part (sacré Maxime !) et que j'y vis encore. Mais ce territoire arbitrairement délimité ne m'appartient pas plus qu'à quiconque qui serait né ailleurs. D'autre part, je ne me réclame d'aucune religion ni ne ressens aucune affinité pour l'une ou l'autre. Pour moi, il n'y en pas une qui soit meilleure ni pire que l'autre, et je respect de la même manière toutes les croyances.

Les graines de la haine
C'est parce que, depuis toujours, les politiciens, ceux-là même qui défileront le 11 janvier, utilisent l'idée d'appartenance, à un pays ou à une confession, que nous en sommes arrivés à des drames comme celui du 11 Septembre et de Charlie Hebdo.
C'est parce qu'il résulte de telles idées d'appartenance une notion d'intégration, de groupes, de clans, que nous en sommes là aujourd'hui. Or, non, il n'existe pas de nationalité ou de religion meilleure qu'une autre.
Cet outil de discrimination n'est pas le seul. On peut citer la discrimination par l'argent, la discrimination par le travail, la discrimination par les réseaux, la discrimination par la naissance.
Tout cela a conduit depuis des années et des années à creuser le fossé entre les privilégiés toujours plus privilégiés et les autres, les laissés pour compte, toujours plus nombreux. Voilà le berceau de l'extrémisme et du communautarisme, voilà le lit qu'ont creusé les politiciens de tous bords. Voilà ce qui aboutit à ce que nous avons vécu ces derniers jours.
Pas besoin d'une marche républicaine trop tardive et trop orchestrée pour comprendre que la solution réside dans le respect de l'autre, dans l'ouverture à l'autre et dans le partage. Cela passe par l'éducation, par l'école de la République, par le dialogue, par la pédagogie. Et ça, j'ai déjà le sentiment de le faire au quotidien. Ce sujet me tient tellement à cœur que je lui ai consacré un roman, paru dernièrement. J'aimerais l'offrir à tous les politiciens et à tous les médias, tous ceux qui défileront demain. Mais ils sont tous bien trop occupés à buzzer sur Houellebecq et Zemmour, histoire de jeter encore un peu plus d'huile sur le feu.
C'est qu'ils me feraient presque éprouver de la haine à moi aussi, ces cons-là. Ils sont forts… Et tellement illégitimes.